LA
CHAPELLE HISTORIQUE DU BON-PASTEUR
Du chant modeste des Soeurs du Bon-Pasteur aux voix puissantes
des divas
La Scena Musicale, novembre 2013
Véritable incubateur de talents
musicaux, la Chapelle historique du Bon-Pasteur célèbre cette année ses 25 ans
d’existence. De nombreux artistes qui jouissent d'une réputation enviable sur
la scène internationale ont fait leurs débuts dans cette ancienne chapelle
convertie en un lieu de diffusion musicale. Marc-André Hamelin, Yannick
Nézet-Séguin, Marie-Nicole Lemieux, Karina Gauvin, Wonny Song et Alexandre Da
Costa, pour ne nommer que ceux-là, font partie des célébrités qui ont foulé les
planches de la Chapelle.
Malgré des ressources monétaires
stagnantes, le directeur artistique Guy Soucie a réussi à présenter des
milliers de concerts gratuits de haute qualité et à encourager la carrière de
nombreux artistes en émergence dans toutes les disciplines reliées à la
musique. Communément appelée la Maison
de la musique, la Chapelle est l’une des salles de concert les plus
prestigieuses de Montréal. Sa réputation s’étend bien au-delà de nos
frontières. Pourtant, ce lieu mythique inauguré en 1988 a connu une heure bien
sombre en 2008, alors que les autorités de la Ville de Montréal ont songé à
mettre la clef sous la porte. Sous le choc, le milieu musical a alors sorti ses
griffes. Il a démontré hors de tout doute que la Chapelle historique du
Bon-Pasteur était devenue un lieu incontournable de diffusion musicale à
Montréal.
La petite chapelle d'antan, maintenant un haut lieu culturel
Le bâtiment qui abrite la chapelle a
été occupé durant 140 ans par les Sœurs de la Communauté de Notre-Dame du
Bon-Pasteur d’Angers. Vendu à la Société d’Habitation du Québec en 1979, il a
été classé monument historique à caractère religieux et cédé à la Ville de
Montréal en 1984. Édifice à fonctions multiples, il correspond à la nature de
son environnement urbain. Conservée dans son état originel, la diffusion
culturelle comporte trois sections qui étaient réservées respectivement aux
sœurs Madeleine (foyer), aux sœurs cloîtrées (salle d’exposition) et aux
fidèles (salle de concert). La chapelle a mis du temps à trouver sa vocation
actuelle. Plusieurs avenues avaient été évaluées. Finalement, le Service de la
culture de la Ville de Montréal a choisi d'en faire un lieu de diffusion
musicale et d'en confier la direction à Guy Soucie.
Le 8 septembre 1988, la Chapelle
historique du Bon-Pasteur ouvrait ses portes avec le pianiste Marc-André
Hamelin, inaugurant du même coup le célèbre piano de concert Fazioli. Son
acquisition a provoqué une tourmente déconcertante dans les médias de Montréal,
de même que chez les conseillers municipaux de la Ville, dont certains
trouvaient trop élevé son prix de 82
000$. Pour mettre fin à cette polémique,
Guy Soucie a créé un banc d'essai réunissant, sur la scène de la Chapelle,
trois pianos de concert des plus réputés. Il a ensuite invité 15 pianistes parmi
les plus connus de Montréal. Chacun d'eux devait jouer quelques mesures de
pièces faisant ressortir les qualités de chaque piano et faire connaître
l'instrument de son choix. La grande majorité des pianistes a préféré le
Fazioli qui a finalement été négocié à 62 000$, devenant ainsi moins cher que
ses concurrents. Ce célèbre piano de concert, qui fut le premier à Montréal, vaut
maintenant 200 000$ et fait l'orgueil de la Chapelle et le bonheur des
pianistes qui s'y produisent.
Au piano Fazioli s'est ajouté le
clavecin historique Jacob et Abraham Kirkman de 1772, un don provenant du
Gordon Jeffrey Music Trust de London, Ontario. L'instrument a été acquis par
l'entremise de la famille Ralph Aldrich qui avait apprécié la qualité des
activités musicales de la Chapelle. Le clavecin a été présenté au public en
novembre 2000 par Catherine Perrin et ses
amis clavecinistes, afin de récolter des fonds pour sa remise en état par le
facteur de clavecins Yves Beaupré.
Artistes, compositeurs et créateurs : un bouillonnement d'idées
Formidable banc d’essai pour les jeunes
musiciens en début de carrière, la Chapelle offre chaque année, dans sa petite
salle de 150 places, plus de 150 activités musicales diverses, ainsi que des
expositions ayant un lien avec la musique, dans l’espace attenant à la salle de
concert. En 25 ans, elle a présenté plus de 15
000 prestations d'artistes, 5 000 concerts et autres interventions.
Près de 500 000 ont assisté à ses
activités.
La Maison
de la musique est beaucoup plus qu'un lieu de diffusion. Depuis 2002, elle
accueille en résidence des compositeurs (Simon Bertrand, Nicolas Gilbert, Paul
Frehner, Michel Frigon, Cléo Palascio-Quintin et Maxime McKingley) et des
ensembles instrumentaux (le Trio Gagné-Richard, le Trio Contraste, le Trio de
Montréal, le Trio Fibonacci, l'Ensemble Magellan, l'Ensemble Morpheus et
l'Ensemble Transmission). Grâce à cette effervescence créée sur place, la
Chapelle fourmille de projets. C'est le lieu de rencontre idéal pour la
création d’événements musicaux, tels les
Concerts imaginés, les Midi musique,
les Répétitions publiques et, par-dessus tout, les concerts de création
musicale de jeunes compositeurs.
La direction artistique a aussi créé
des habitudes. Depuis plusieurs années, le Quatuor Molinari y tient ses Dialogues à la Chapelle précédant ses
concerts de saison. Le Via Crucis
avec Françoise Faucher et Jean Marchand est une tradition du Vendredi saint,
tout comme les airs de Noël jazzés du
pianiste James Gelfand chaque premier vendredi de décembre. La collaboration
avec les consulats et les ambassades permet au public de la Chapelle de
découvrir et d’entendre des musiciens de divers pays.
Le coup d’envol des activités du 25e
anniversaire a été donné le 1er octobre par le pianiste Wonny Song,
l’un des premiers à s’être produit à la Chapelle. « Il était alors si petit,
commente Guy Soucie, qu'à grand'peine, ses pieds atteignaient les pédales du
piano.» De grands noms lui succèderont tout au cours de l'année, tels
Marc-André Hamelin et Alexandre Tharaud. La générosité des artistes a permis à
Guy Soucie de concocter une programmation époustouflante pour célébrer ses 25
ans comme capitaine à la barre de la prestigieuse institution. Un fait saillant
parmi tant d'autres, la pianiste Louise Bessette propose, en quatre concerts au
cours de la saison, 25 oeuvres composées dans le cours des 25 dernières années
par 25 compositeurs québécois.
La Fondation de la Chapelle historique
soutient l’action du dynamique directeur qui l'a mise sur pied, pour continuer
d’offrir à son public des concerts de qualité et un soutien aux artistes par
des résidences, des bourses, des commandes d’œuvres, etc. Afin de doter la
Fondation de moyens additionnels, un événement-bénéfice exceptionnel réunira le
1er décembre trois illustres artistes du Québec : la contralto
Marie-Nicole Lemieux, la soprano Karina Gauvin, et le maestro Yannick
Nézet-Séguin, cette fois au piano. Un livre-souvenir rédigé par Georges
Nicholson doit être lancé prochainement.
Le temps de passer le flambeau
Figure de proue de la scène artistique, récipiendaire
du Prix Opus comme « directeur
artistique de l’année 2010 », celui qui se
surnomme avec une pointe d’humour « le bedeau de la Chapelle », s’apprête à
tirer sa révérence. Mais ce ne sera pas sans éclat. Les artistes qu’il a
soutenus contre vents et marées ont tenu à prouver leur reconnaissance à l’âme
du lieu, le visionnaire infatigable qui a su reconnaître et encourager leurs
talents.
En hommage aux 25 ans de dévouement de son
directeur artistique, la Fondation de la Chapelle a créé deux Bourses
d’excellence Guy-Soucie de 5000$, visant à soutenir le développement de
carrière de jeunes musiciens de Montréal. Elles seront accordées annuellement
et en alternance (piano et chant / cordes, vents et percussions) à des
titulaires de diplômes en musique classique de l’une des quatre universités
montréalaises ou du Conservatoire de musique de Montréal. Un jury composé du
pianiste et chef d'orchestre Jean-Pascal Hamelin, du baryton Marc Boucher, et
du critique musical Carol Bergeron, s’est penché sur les dossiers reçus en
chant et piano. Les deux premières bourses ont été remises le 1er
octobre à la soprano Andréanne Paquin et au pianiste Marek Krowicki.
La Maison de la musique survivra
Lors du lancement de la programmation
le 1er octobre dernier, le chef de division du Service de la culture
de la Ville de Montréal, Paul Langlois, a affirmé que la Ville a l’intention de
maintenir la vocation actuelle de la Chapelle. La Maison de la musique
continuera de servir de rampe de lancement aux jeunes musiciens, de soutenir
les compositeurs et de maintenir sa collaboration avec les organismes, afin de
demeurer à la hauteur de sa réputation, tout en conservant la variété de sa
programmation pour satisfaire tous ses publics. Une déclaration rassurante pour
le milieu !