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mercredi 25 août 2010

LE TREMPLIN 2010 DU CONCOURS DE MUSIQUE DU CANADA  -  Un pas vers une carrière musicale internationale

La Scena Musicale, juillet 2010

Destiné aux jeunes interprètes à l’aube de leur carrière, le Tremplin 2010, volet « élite » du Concours de musique du Canada (CMC) a pris fin le 15 juin à Sherbrooke. La pianiste Tina Chong de Banff (Alberta) a remporté le Premier prix « Laframboise Gutkin ». Ce prix, d’une valeur de 8000$, s’accompagne d’une résidence de trois semaines au Centre Banff. Âgée de 25 ans, la lauréate étudie présentement à l’Université d’Indiana. Elle se produira comme soliste lors du concert gala le 5 juillet à Edmonton. Tina Chong a reçu de plus une maquette d’audition produite et réalisée dans les studios de Radio-Canada qui en diffusera des extraits sur les ondes d’Espace musique. « Ce n’était pas mon premier concours de cette envergure, mais c’était certainement le plus exigeant » a mentionné la jeune artiste à l’issue du concours au journaliste Steve Bergeron de La Tribune de Sherbrooke.

Le Tremplin : un volet de haut niveau du Concours de musique du Canada
Organisé parallèlement au CMC tout en dépendant de la même direction, le Tremplin a été mis en place en 1971. Avec la croissance que connaissait alors le Concours, les dirigeants décidèrent de procéder au réexamen des règlements généraux et du programme musical afin d’élever les standards de performance. Pour réviser les critères d’admission, ils obtinrent l’appui de précieux collaborateurs, dont la pianiste Yvonne Hubert, le directeur musical Wilfrid Pelletier et le compositeur Jean Vallerand. C’est à ce moment que le comité organisateur mit sur pied une section particulière destinée aux jeunes interprètes désireux de se mesurer aux exigences des concours internationaux de musique. Cette section appelée « Tremplin international » est maintenant reconnue comme une référence majeure sur l’échiquier des concours de musique au Canada.

      Le Tremplin offre à une cinquantaine de jeunes musiciens, de 16 à 28 ans (sauf pour le chant : 31 ans), l’occasion de participer à un concours national de haut niveau, dont les critères sont comparables à ceux des concours internationaux. Choisis par un comité de présélection, après audition à l’aveugle des enregistrements, ces musiciens se présentent à trois épreuves devant un jury de cinq juges : un premier récital de 45 minutes, un second d’une heure et un programme contenant un concerto complet. À la Première éliminatoire, 16 candidats seront retenus pour la demi-finale, puis 6 pour la finale. Véritable rampe de lancement, ce volet du CMC a permis d’acquérir des expériences de la scène à de jeunes artistes qui marqueront ensuite la scène internationale de leur personnalité. Le CMC a vu défiler depuis sa fondation des milliers de musiciens. Parmi eux figurent des noms prestigieux, dont les Marc-André Hamelin, Louis Lortie, Chantal Juillet et Martin Beaver.

      Les lauréats du Tremplin 2010 se partagent plus de 30 000$ en bourses et engagements. Le Deuxième prix « Shire Canada » (4000$) a été remis au pianiste Charles Richard-Hamelin de Montréal, qui a reçu également le Prix pour la meilleure interprétation d’une œuvre canadienne (1000$). Le Troisième prix « PolyExpert » (1000$) a été attribué au clarinettiste Dominic Desautels de Granby.

Le Concours de musique du Canada : un incontournable pour les jeunes musiciens canadiens
Fondé à Montréal en 1958 sous le vocable « Le Festival national de Musique » Le CMC a pour but de soutenir et d’encourager le jeune musicien au dépassement de soi et à cultiver chez lui la discipline et la ténacité. C’est au moment de la création du Tremplin que l’organisme a pris une dimension nationale avec l’ajout de l’Ontario, suivi des huit autres provinces les années suivantes. S’assurant d’atteindre ses objectifs, le CMC a mis sur pied trois volets différents : Le Tremplin, le Concours de musique du Canada lui-même et le Programme Junior.

      Le Concours de musique du Canada proprement dit se déroule en trois étapes sur une période de trois mois. La 52e édition a débuté à Sherbrooke le 1er avril avec la tenue de la première épreuve régionale. Jusqu’au 21 mai, 16 autres villes canadiennes ont accueilli cette première étape. Ont suivi ensuite les finales provinciales dans sept provinces. La finale nationale a lieu du 21 juin au 3 juillet à l’Alberta College Conservatory of Music à Edmonton. Le concert gala des lauréats, accompagnés de l’orchestre du Concours, sous la direction du maestro Alexei Kornienko, sera présenté le 5 juillet à l’Université de l’Alberta, aussi à Edmonton. Le Programme junior vise à faire découvrir le CMC aux jeunes musiciens de moins de 15 ans qui n’y ont jamais participé. Grâce à la flexibilité du programme, ils peuvent s’inscrire dès l’âge de 7 ans à la première épreuve et présenter le répertoire demandé pour leur instrument et leur catégorie d’âge.
     
Un concours avec une signature originale
Un des événements musicaux les plus importants au Canada, le CMC a pour particularité d’être ouvert à pratiquement tous les instruments de musique, ce qui ne simplifie certainement pas la tâche du jury. « Une fois que nous avons trouvé le meilleur pianiste, le meilleur violoniste, le meilleur chanteur, il faut choisir le meilleur pour toutes ces disciplines, ce qui est loin d’être facile » a déclaré Richard Turp, membre du jury, au journaliste Steve Bergeron. Subventionné au Québec en partie par le ministère de la Culture et des Communications, le CMC est constitué d’un réseau de bénévoles, de professeurs, de collaboratrices et de collaborateurs oeuvrant ensemble, à partir de leur région respective, au développement de l’excellence musicale de la jeunesse canadienne. Le même esprit qui stimulait les fondateurs est encore aujourd’hui bien vivant chez tous les bénévoles qui s’impliquent et y insufflent leur énergie.


Pour tout savoir sur le CMC, visitez le www.cmcnational.com
BENJAMIN BEILMAN :
Tous les rêves sont permis pour ce talentueux jeune violoniste

La Scena Musicale, juillet 2010

Dès sa première apparition en quart de finale, le prodige américain d’à peine 20 ans a montré qu’il possédait cette étincelle qui produit les grands artistes. En plus d’une solide technique, d’une musicalité et d’une maturité impressionnantes, il possède une incroyable assurance pour un jeune musicien. Ces qualités ne se sont pas démenties en finale, alors que le jury du Concours Musical International de Montréal (CMIM) reconnaissait le talent exceptionnel de ce violoniste en lui accordant le Premier Prix. L’assurance avec laquelle il a interprété le Concerto de Sibelius en finale donnait au public l’impression d’entendre un violoniste chevronné. Le public a salué par une ovation monstre celui que le critique Christophe Huss a appelé « l’ange musical de la compétition ».

      Le lendemain de la finale, encore sous l’émotion, Benjamin Beilman considère comme un honneur d’avoir été sur scène avec des finalistes de si haut niveau. Chaussé de petites lunettes noires accentuant son air sérieux, il dégage en entrevue cette même tranquille aisance qu’il a démontrée depuis le début du concours. Il se dit envahi de bonheur, d’autant plus qu’il a failli ne pas arriver à temps pour le concours. Un vol retardé au départ lui a fait rater sa correspondance pour Montréal. C’est grâce à un passager généreux qui lui a cédé sa place qu’il a pu finalement se rendre à destination. Un signe du destin? Les candidats étant logés dans des familles d’accueil, Benjamin a eu le privilège de se trouver dans un environnement calme avec une hôtesse dynamique et compréhensive qu’il appelle affectueusement sa « host mom ». Pour se détendre, il faisait de longues promenades avec le petit chien de la maison qui l’a pris en affection.
     
Un début de carrière fulgurant
Amateurs de musique sans être musiciens, les parents de Benjamin ont inscrit leurs deux enfants en musique afin d’ajouter un complément à leur formation générale. De deux ans l’aînée, Elizabeth a commencé l’étude du violon à 5 ans. Assistant aux leçons de sa soeur, Benjamin fredonnait ensuite ce qu’il avait entendu. Dès l’âge de 5 ans, il voulut l’imiter et fut à son tour initié au violon à l’école Suzuki d’Atlanta où il habitait. De 2002 à 2007, il étudia avec Almita et Roland Vamos au Music Institute de Chicago. Actuellement résident de Philadelphie, il poursuit ses études avec Ida Kavafian au Curtis Institute of Music où il est chef d’attaque des seconds violons du Curtis Symphony Orchestra. Benjamin Beilman a été lauréat de plusieurs concours aux États-Unis, dont deux en 2009 pour lesquelles il a obtenu le Premier Prix : Corpus Christi International Competition et Schmidbauer International Young Artist Competition. Malgré son jeune âge, il possède déjà une vaste expérience, autant comme soliste que comme chambriste. Il a été soliste invité de plusieurs orchestres, dont le Philadelphia Orchestra. Il se produit au festival de Marlboro depuis l’âge de 17 ans.

Un premier grand concours
Malgré une feuille de route impressionnante, le Concours Musical International de Montréal (CIMM) est le premier grand concours international pour Benjamin Beilman. L’aplomb qu’il affiche sur scène n’a pas toujours été si évident. Il a appris de son professeur à ne pas lutter contre le stress, mais à le laisser venir et à le transformer en énergie pour l’aider à se propulser. Se préparer mentalement et physiquement à trois épreuves musicales différentes était pour lui une nouvelle expérience. Avant une épreuve, il aime écouter de la musique de chambre, particulièrement Brahms, Dvorak et Schubert, interprétée par le Quatuor Guarneri, son quatuor favori. La profondeur de cet ensemble et son approche musicale le touchent au plus haut point. C’est ce son qu’il conserve à l’esprit avant d’entrer en scène. Un son qu’il continue de peaufiner avec son instrument dont il est spécialement fier. Du maître luthier napolitain Antonio Gagliano, le violon (1790?) est entre les mains de Benjamin grâce à un emprunt et au soutien financier de ses parents. Il a mis du temps avant de se faire l’oreille à la puissance et à la sonorité unique de ce violon. Deux ans plus tard, il commence seulement à tirer tout le potentiel de ce magnifique instrument. Il lui reconnaît un son riche, particulièrement dans le registre grave, mais il doit poursuivre sa démarche afin d’obtenir le timbre qu’il recherche dans l’aigu. Profondément attaché à son violon, il lui a donné le nom de Francesca, un « prénom féminin qui lui va bien », dit-il.

      Au sujet des œuvres interprétées, Benjamin Beilman porte une affection particulière à la sonate en sol majeur de Beethoven qu’il a jouée en demi-finale, une sonate qui passe d’une remarquable subtilité à une explosion d’émotions. Il considère l’œuvre canadienne imposée cette année, One for Solitude de Kelly-Marie-Murphy, comme une création imposante. Les violonistes Kremer, Grumiaux, Oïstrakh, Milstein et Ehnes sont ses préférés, de même que Augustin Hadelich, une étoile montante qui est aussi son ami.

Un avenir prometteur
Benjamin Beilman ne s’attendait pas à remporter cet important concours. Réfléchissant à son proche avenir, il remet maintenant en question ses projets pour l’automne, dont la compétition internationale de violon d’Indianapolis en septembre. S’engager si tôt dans un autre grand concours lui semble difficile. Il veut d’abord se donner un temps de réflexion et discuter avec son professeur avant de prendre une décision. Mais quelles que soient les avenues qui s’offrent à ce talentueux violoniste, elles devraient mener à une carrière internationale florissante. On se réjouit que Montréal ait participé à la découverte de cet artiste prodigieux qu’on souhaite revoir souvent sur nos scènes.


Une nouveauté cette année: toutes les épreuves (quart de finale, demi-finale et finale) ont été diffusées en audio-vidéo sur Espace classique et sont disponibles pendant 1 an au  http://www.radio-canada.ca/Espace_Musique/cmim2010/

                                                                                                                       
                            
 





ALEX BENJAMIN
Dans les pas d’un géant : un héritage lourd à porter

La Scena Musicale, juin 2010

Pur produit de l’éducation musicale du grand pédagogue qu’était le père Lindsay, Alex Benjamin a passé son enfance à baigner dans l’atmosphère du camp musical de Saint-Côme et du Festival d’été de Lanaudière. Il n’est pas surprenant qu’un concours de circonstances l’ait amené à occuper le poste d’adjoint au Père du Festival, au moment de la démission de Louise Forand-Samson en 2000. En novembre dernier, le conseil d’administration du Festival de Lanaudière annonçait officiellement sa nomination à titre de directeur artistique du Festival.

Du piano à la direction artistique
Alex Benjamin possède une solide formation musicale. Après un baccalauréat en piano de l’Université Laval, sous la direction de Robert Weisz et une maîtrise en interprétation de la State University de New York à Stony Brook avec Martin Canin, il a effectué des études de doctorat sous la direction de Gilbert Kalish. Au concours pour le Prix d’Europe, il a reçu le prix John Newmark en 1990 et 1991.

      À son arrivée au Festival en 1999, il a d’abord travaillé comme recherchiste-musicologue, rédigeant des notes de programmes, tout en occupant ses temps libres au transport d’artistes, ce qui lui permettait de faire des rencontres passionnantes. L’organisation du travail avec le Père Lindsay était vraiment une étroite collaboration, un échange d’idées, de goûts et d’intérêts communs. Alex s’occupait déjà des négociations avec les agents et travaillait en plus avec les chefs pour bâtir le répertoire. Le pouvoir décisionnel est venu graduellement et, en 2007, le Père Lindsay lui confiait l’entière responsabilité de la programmation des concerts et des choix artistiques. Si la transition n’a pas été trop grande avec la disparition du fondateur, c’est parce que les bases étaient déjà tellement solides. L’équipe du Festival a beaucoup travaillé pour développer un contexte propice à une découverte particulière de la musique. On y ressent une émotion palpable, grâce à la merveilleuse sonorité de l’amphithéâtre.
     
L’orientation du Festival
Alex Benjamin voue un amour indéfectible à cette région. Il adore les promenades en campagne entre les différentes églises pour assister à des concerts et il ne connaît pas de lieux plus extraordinaires pour écouter et découvrir la musique que l’amphithéâtre. Toute son ambition est maintenant centrée sur le Festival et il n’a plus de temps pour maintenir son niveau en piano. Ses goûts musicaux sont très diversifiés. Il avoue un grand intérêt pour le quatuor. Mais il hésite quand on lui demande ses compositeurs favoris. Très curieux, il aime faire des découvertes et varier les styles et les atmosphères. En dehors du Festival, il fait de la photo, se consacre à sa vie de famille et enseigne le piano à sa petite fille de six ans. 
      Pour le nouveau directeur artistique, une empreinte claire est l’orientation qu’il veut continuer à donner au Festival. Le choix est incontournable cette année, alors qu’on fête Chopin et Schumann. Mais il peut être coiffé d’un thème ou inclure un projet bâti autour d’un artiste. Alex aimerait aussi faire plus de chant choral dans les églises, par exemple un cycle Monteverdi. Mais ce qui compte avant tout, c’est qu’il maintienne une ambiance festive, faite d’une série d’événements qu’on ne retrouve habituellement pas durant l’année. Loin de se reposer sur ses lauriers, il veut continuer à être ambitieux. Son objectif idéal est d’obtenir la participation de très grands orchestres de l’étranger, tout en gardant une place privilégiée pour nos ensembles. « Ça dynamise le milieu et l’environnement musical quand on entend différentes interprétations. Un festival est là pour ça. » L’Orchestre symphonique de Pittsburgh et Die Deutsche Kammerphilharmonie Bremen ont répondu à son appel cette année, démontrant une reconnaissance du Festival comme lieu d’intérêts pour ces orchestres.  

Un défi et un rêve
Il n’est certes pas facile de marcher dans les pas d’un géant, d’une force de la nature comme le Père Lindsay. C’est un héritage lourd à porter, mais le grand visionnaire avait accordé toute sa confiance à ce jeune passionné et enthousiaste qu’il voyait comme son successeur. Si le Festival a perdu son créateur, il a trouvé un ardent défenseur dans ce directeur artistique qui veut continuer d’étonner le public, en rêvant de toujours faire grandir le Festival. Tout un défi ! Alex Benjamin fera tout en son pouvoir, avec l’aide de sa dynamique équipe, pour que survive l’âme du Père Lindsay et que grandisse le grand projet de sa vie.

dimanche 28 mars 2010














MATHIEU GAUDET 
Une carrière hybride : musique et engagement social

La Scena Musicale, avril 2010

« Le musicien est quelqu’un à qui l’on peut s’en remettre pour dispenser de l’apaisement à son prochain, mais il est aussi un rappel de ce qu’est l’excellence humaine » Cette définition de Yehudi Menuhin peut-elle mieux s’appliquer qu’à un musicien qui décide, en plus de sa carrière musicale, de travailler au soulagement de la souffrance humaine ? C’est le choix qu’a fait Mathieu Gaudet en projetant de mener de front la carrière de pianiste et de médecin.

L’évolution du musicien : un hasard qui fait parfois bien les choses 
L’histoire débute de façon habituelle. Un petit garçon suit des cours de piano au Conservatoire de Rimouski. La chance le favorise en lui donnant un excellent professeur. C’est à Sœur Pauline Charron qu’il attribue cet amour de la musique qui marquera le reste de sa vie. À l’âge de 20 ans, il quitte Rimouski pour aller étudier à l’Institut Peabody de Baltimore avec Julian Martin, aujourd’hui professeur à Juilliard. De retour au Canada, il travaille à Toronto avec Marc Durand et André Laplante et obtient ensuite son doctorat en piano à Montréal avec Paul Stewart. Intéressé par la direction d’orchestre, il obtient en plus une maîtrise dans cette discipline avec Jean-François Rivest.
      Depuis 1997, Mathieu Gaudet a participé à de nombreux concours et accumulé les récompenses, dont six premiers prix. Comme demi-finaliste au Concours Musical International de Montréal en 2004, il fut le « coup de cœur » du pianiste Jean-Philippe Collard. Artiste reconnu à travers le Canada et les États-Unis comme soliste et chambriste, il a joué sous la direction de chefs réputés comme Gustav Meier à Baltimore et Leon Fleisher à Toronto. Cofondateur en 2003 du 1er festival Gros Morne Summer Music à Terre-Neuve, il y a donné une vingtaine de récitals.

Une carrière musicale bien amorcée
La saison dernière a été particulièrement prolifique pour Mathieu Gaudet. En novembre 2008, après une tournée de récitals et de cours de maître en Inde, il a lancé son premier album, les 24 Préludes de Rachmaninov. Pianiste résident au festival Concerts aux Ìles du Bic à l’été 2009, il donnait l’automne suivant à Winnipeg, avec le violoniste Jean-Sébastien Roy, un récital capté par CBC Radio 2. Au dernier gala des prix Opus en janvier 2010, Mathieu Gaudet accompagnait la soprano Karina Gauvin. Il vient de terminer une tournée de deux semaines dans l’Ouest canadien en compagnie de Jean-Sébastien Roy.
      Le pianiste ouvrira Les Journées Schumann1 au Musée des beaux-arts de Montréal le 30 avril. Ce compositeur lui étant particulièrement cher depuis longtemps, il en parle avec enthousiasme et anticipe ce concert avec un plaisir évident. Il avoue porter une grande admiration à certains musiciens romantiques reconnus pour leur œuvre pianistique. « Un bon pianiste doit être capable de jouer Chopin et Rachmaninov », lui disait Marc Durand. Toutefois, quand on lui demande quels musiciens l’ont influencé, il mentionne les chefs d’orchestre Philippe Herreweghe et Bernard Labadie, reconnus pour leur approche vivante et authentique de la musique baroque. On comprend alors les motivations qui l’ont poussé à s’intéresser à la direction d’orchestre.
     
La médecine : un appel vers une action sociale
À 27 ans, au moment de son doctorat en piano, Mathieu Gaudet commence à s’intéresser à des mouvements d’action sociale. Poussé par le besoin de s’impliquer personnellement, le musicien décide d’ajouter une seconde carrière à un horaire déjà chargé : il sera aussi médecin. Inscrit à la faculté de médecine, il se retrouve, comme membre du Comité d’action sociale internationale (CASI), en route pour deux mois vers le Kenya, afin d'apprendre ce qu’est la pratique de la médecine dans les pays en voie de développement. Des moments difficiles de travail ardu sous le soleil tropical, mais une expérience enrichissante qui lui servira toute la vie. Mathieu Gaudet obtiendra son doctorat en médecine cette année et commencera sa résidence en médecine familiale à partir de juillet, dans un hôpital montréalais ou dans un CLSC.
      Ce n’était pas le plan de carrière de Mathieu Gaudet de jouer sur les deux tableaux. D’un côté la vie d’un artiste, avec un horaire bousculé, des déplacements continuels et des pratiques rigoureuses de l’instrument; de l’autre côté, celle du médecin dont les nombreuses occupations laissent peu de temps libre. Il faut une grande force de caractère et un sens aigu de l’organisation pour arriver à mener de front ces deux carrières exigeantes.



Pianiste et médecin : une question d’organisation
« La seule façon de concilier les deux carrières, » selon Mathieu, « c’est de fonctionner par projet. Au moment d’une période musicale importante, il faut mettre la médecine en veilleuse pour un moment et se concentrer sur la pratique de l’instrument, de 5 à 6 heures par jour. Par contre, quand un projet médical est annoncé, c’est la musique qui est alors mise en veilleuse. Maintenir une heure ou deux de pratique par jour peut alors faire vraiment la différence. Le plus important en musique est de faire travailler l’oreille plutôt que les doigts. Ça demande une grande concentration d’énergie, mais c’est quelque chose qu’on peut faire partout, avec ou sans partition. Se concentrer sur une pièce et la modeler dans l’oreille. »
      À 33 ans, Mathieu Gaudet navigue déjà allègrement entre ses deux carrières avec une facilité déconcertante, coiffant à tour de rôle le chapeau de musicien et celui de médecin. Né sous une bonne étoile, il croit qu’il est possible de nourrir sa passion artistique tout en se mettant au service de la communauté. « Il faut aimer le plus possible », dit-il, « aimer la musique, aimer la jouer et l’exprimer et aimer les patients. » Si on se base sur les résultats qu’il a obtenus à ce jour, nul doute que le musicien-médecin possède les qualités nécessaires pour réussir ce tour de force. Une personnalité exceptionnelle à suivre.





vendredi 5 mars 2010

FRANÇOIS RACINE, METTEUR EN SCÈNE
Un créateur à l’imagination débordante

L’Opéra de Seattle l’a nommé en juillet 2009 « Artist of the Year » pour la direction artistique de la double production Le Château de Barbe-Bleue / Erwartung qui a contribué au succès de sa saison ;

Il avait participé à la création de cette œuvre de Robert Lepage à Toronto en 1993 et en a assumé la reprise à l’Opéra de Montréal en 2004 ;

Créateur infatigable, il a réalisé de nombreuses mises en scène d’opéra depuis le début des années 1980 et il s’apprête à monter La Tragédie de Carmen au Studio de l’Opéra McGill en mars prochain, avant de se rendre à Victoria diriger Cosi fan tutte, suivi de Didon et Énée en Suisse ;

Passionné de son métier de metteur en scène, il préfère avant tout la direction d’acteurs et trouve un grand plaisir dans l’écriture de spectacles pour les jeunes, comme Annabelle Canto qu’il a conçu pour les Jeunesses Musicales et dont il écrit présentement la suite.

Du théâtre à l’art lyrique
Metteur en scène au théâtre, c’est tout à fait par hasard que François Racine arrive à l’opéra au début des années 1980, alors qu’il accepte la mise en scène des Bavards à l’Opéra Comique du Québec. Il y a laissé sa marque d’artiste enthousiaste et visionnaire, rivalisant d’audace et d’imagination pour créer sans cesse des éléments de surprise, mélangeant les styles, en passant de la comédie bouffonne au drame avec un égal bonheur. 

Intéressé à l’art vocal, particulièrement au chant choral, il apprend vers 1988 que le Canadian Opera Company de Toronto fait des auditions à travers le Canada pour dénicher un apprenti metteur en scène. François Racine obtient le poste tout en continuant sa collaboration avec l’Opéra Comique. C’est par le biais de ce stage qu’il s’intéresse vraiment à la mise en scène d’opéra. Il travaille alors avec Robert Lepage pour Le Château de Barbe-Bleue de Bartok / Erwartung de Schoenberg. Après la création à Toronto en 1993, Racine en a plus d’une fois assumé la responsabilité. On lui a confié les reprises de ce doublé aux festivals d’Édimbourg, de Melbourne et de Hong Kong, ainsi que dans plusieurs villes du Canada, dont celle de l’Opéra de Montréal qui nous a livré là une des soirées les plus passionnantes de son histoire. Entre-temps, François Racine signe des mises en scènes d’opéra à Québec, Toronto, Vancouver, Victoria, Edmonton, Halifax, Montréal, Los Angeles, Hong Kong et Cincinnati. Sa collaboration avec Robert Lepage lui a ouvert les horizons du point de vue esthétique et lui a permis de mieux comprendre son processus de création et sa façon de travailler.

C’est dans le contexte de l’art lyrique qu’il a coopéré à maintes reprises avec Kent Nagano et l’Orchestre symphonique de Montréal, afin de mettre en place des versions concerts du répertoire de l’opéra. Il a fait de même avec Yannick Nézet-Séguin et l’Orchestre Métropolitain pour la mise en scène de La Clemenza di Tito au Centre d’arts d’Orford.  

La direction de chanteurs et l’écriture
C’est à titre d’auteur et de metteur en scène, suite à la demande du Harbourfront Festival de Toronto, que François Racine a conçu le spectacle « Tribute to Robert Lepage », présenté en octobre 2001 dans le cadre de leur festival World Leaders. Il a aussi remanié et adapté une dizaine de livrets d’opérette qui furent présentés dans la région de Montréal.

Racine est régulièrement invité à travailler avec de jeunes chanteurs, entre autres au Conservatoire de Musique de Montréal et à l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Montréal. Pendant plusieurs saisons, il dirige les productions d’Opéra McGill, où il enseigne le jeu dramatique depuis 2008. Sa mise en scène de Louis Riel lui a valu le prix Opus « Meilleure production de l’année 2005 ». Présenté au Théâtre Maisonneuve avec l’Orchestre symphonique de McGill, dirigé par Alexis Hauser, le drame Louis Riel est une composition de Harry Somers, d’après un livret de Mavor Moor, écrit en collaboration avec Jacques Languirand. L’œuvre a été créée au O’Keefe Centre de Toronto en 1967, sous la direction de Victor Feldbrill, avec la basse Joseph Rouleau interprétant Monseigneur Taché. Cette représentation a été suivie de sept autres, dont deux durant l’Expo ’67 à Montréal.

Toujours passionné de théâtre, François Racine aime écrire, mettre en scène et produire des pièces sous forme d’opéra destinées au jeune public. Avoir directement la réaction du public lui procure un grand plaisir. Plusieurs de ses pièces ont été produites par les Jeunesses Musicales du Canada qui lui ont récemment commandé une suite à Annabelle Canto. Toujours en tournée dans le réseau, ce spectacle a aussi obtenu en 2005 un Prix Opus pour le « Meilleur spectacle Jeune Public ». La même année, on lui a décerné un troisième Prix Opus pour Bach to Tango, « Événement musical de l’année, région » (Centre d’Art d’Orford, Festival de Lanaudière). Une année prolifique!

La concrétisation de l’expérience et des rêves
En juillet 2009, tel que mentionné au début du texte, François Racine a été nommé « Artist of the Year » à l’Opéra de Seattle. Ce prix a été créé en 1991 afin d’honorer l’individu (chanteur, chef d’orchestre, metteur en scène ou scénographe) qui a fait la plus importante contribution au succès de la saison. Le directeur général Speight Jenkins reconnaît que la réussite de cette production a été rendue possible grâce à l’implication du metteur en scène et à son travail remarquable avec les trois chanteurs.

D’après Racine, la force et l’imaginaire des créateurs québécois ont permis de redéfinir diverses formes d’expression. L’opéra, jusqu’à très récemment, n’a pas profité de cet essor créatif. On fait maintenant du cirque sans animaux, du théâtre d’une façon différente. « Il suffit de se rappeler Vie et mort du roi Boîteux de Ronfard, un cycle totalisant 15 heures, une spectaculaire aventure créée en1981 avec trois fois rien, mais qui a pourtant marqué l’histoire du théâtre au Québec ». Racine aimerait ouvrir une porte dans ce sens pour l’opéra : produire des œuvres sous la forme d’opéra, avec des compositeurs d’ici et des moyens modestes; rendre l’opéra abordable, le synthétiser, surprendre le public.

Depuis de nombreuses années, François Racine, dont la grande force est la direction d’acteurs, prépare les chanteurs pour des auditions, des récitals ou des concerts, afin de les aider au point de vue de l’interprétation et du jeu scénique. Il croit que cet aspect du développement du chanteur est mal compris et mal enseigné dans la plupart des institutions. L’essence de l’opéra est le chanteur. La qualité et l’expressivité de la voix ne sont pas suffisantes si le jeu scénique est maladroit et non convaincant.

Soucieux du développement du chanteur comme comédien, François Racine travaille présentement à mettre sur pied un centre d’entraînement qui permettra au chanteur d’opéra de perfectionner son jeu scénique. Pour l’instant à l’état embryonnaire, L’Opéra Lab de Montréal vise à devenir une sorte de complément à ce qu’offrent les maisons d’enseignement de la musique. Bien que les choix esthétiques et pédagogiques soient déjà clairs pour lui, le metteur en scène est en réflexion sur les moyens à prendre pour concrétiser son projet.


Renée Banville
LE GALA DES PRIX OPUS
Une source d’inspiration pour les musiciens 
et des découvertes pour les mélomanes


C’était la fête de la musique ce 31 janvier dernier ! Rassemblé à la salle Claude-Champagne, le milieu musical venait célébrer le talent et le dynamisme de ses musiciens et de ses créateurs. Le grand gala annuel des prix Opus s’apprêtait à récompenser pour la 13e année l’excellence de leur production. Durant ce dernier gala, les lauréats se partageraient 27 prix et 31 000$ en bourses. L’atmosphère était fébrile. À l’instar des autres événements du genre, l’émotion et les surprises seraient au rendez-vous.

Les coulisses du gala
Créé par le Conseil québécois de la musique (CQM)1 en 1996, le gala des prix Opus se distingue par une grande variété de prix respectant les différents répertoires et la diversité des disciplines : artistes, ensembles, facteurs d’instruments, musicologues, etc. qu’ils soient situés à Montréal, à Québec ou en région.

      Plus de mille concerts se donnent annuellement au Québec. Les lauréats des prix Opus sont choisis parmi les concerts qui sont soumis au CQM par les artistes et le milieu. Chacun a droit à un maximum de huit dossiers. Pour cette dernière édition, 162 concerts ont été inscrits. Un record. Mandatés par le CQM, cinq à six juges munis de leur grille d’évaluation ont assisté à tous les concerts inscrits. Ce sont ceux qui ont atteint la plus haute note globale qui ont été couronnés. Les juges ont dû aussi écouter une soixantaine de disques et lire une quinzaine d’écrits.

      Le scénario est différend pour les 9 prix spéciaux remis à des personnalités et à des organismes qui se sont démarqués au cours de la saison. Les candidatures (une soixantaine la dernière année) sont soumises au CQM. C’est un jury qui choisit parmi les dossiers reçus ceux et celles qui se démarquent.
           
La grande cérémonie de remise des prix
Animateurs de la cérémonie du 31 janvier, Mario Paquet et André Papillon ont souligné avec humour leur grande complicité. Des prestations musicales aux couleurs variées ponctuaient la remise des prix. Sous la direction artistique de Mathieu Lussier, on a entendu : l’Ensemble Caprice, Louis Dufort, Mathieu Gaudet et Karina Gauvin, Christine Tassan et les Imposteures, Normand Forget et le Jazz Trio.

      La soirée débuta avec la « Découverte de l'année » s’accompagnant du prix Étoiles Galaxie d’une valeur de 3000 $. Afin d’encourager nos musiciens d’ici, Radio-Canada offre en plus au lauréat une résidence d'un an. Récipiendaire de ce prix, le jeune chef d’orchestre Jean-Michael Lavoie a connu un début de carrière fulgurant en Europe, alors qu’il est devenu le premier Canadien à occuper le poste de chef assistant de l'Ensemble Intercontemporain fondé par Pierre Boulez.

      Le moment le plus émouvant a sans doute été la remise du prix « Hommage » au compositeur Jacques Hétu, l'un des patriarches de la composition au Québec. Lyrisme et poésie marquent ses compositions. On dit que leur grande sensibilité et leur rigueur structurelle en font une musique particulièrement bien écrite que tous les instrumentistes jouent avec un grand plaisir. Visiblement très affecté par la maladie, c’est d’une voix à peine audible que M. Hétu a tenu à remercier les organisateurs et le public pour cet hommage qui lui était rendu. Un moment bouleversant dont on se souviendra, d’autant plus qu’on apprenait quelques jours plus tard le décès du compositeur le 9 février. Le Père Lindsay, fondateur du Festival de Lanaudière, avait reçu le premier prix Hommage en 1997. Jacques Hétu est le compositeur de la courte pièce pour instruments à vent annonçant le début de chaque concert à l’Amphithéâtre.

      Ce qui n’a surpris personne, notre grand maestro Yannick Nézet-Séguin a reçu deux prix : celui du « Disque de l’année – Musiques classique, romantique, postromantique, impressionniste » pour la Symphonie no 9 de Bruckner avec l’Orchestre Métropolitain sur ATMA Classique, et celui du « Rayonnement à l’étranger ». Il avait déjà reçu ce dernier prix en 2005, en plus de celui de « Découverte de l’année » en 2004. Grâce à la magie des télécommunications, le public a pu entendre en direct la réaction du maestro. Il a dit ressentir un immense encouragement de savoir que le public le sente toujours actif ici malgré ses nombreuses absences. Le Nouvel Ensemble Moderne avait reçu le prix « Rayonnement à l’étranger » en 1998 et la contralto Marie-Nicole Lemieux en 2007.

      La catégorie « Concerts de l’année » est répartie en huit prix, dont trois pour chacun des trois secteurs (Montréal, Québec et région) et cinq pour chacune des disciplines. La Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ) en a raflé deux : « Concert de l’année – Montréal »  et « Concert de l’année – musique contemporaine » pour La porte du ciel, coiffant à l’arrivée le fabuleux Saint François d’Assise de Messiaen à l’OSM.

      C’est pour l’audacieux projet l’Automne Messiaen, comprenant une quarantaine d’événements célébrant le centenaire du compositeur, que la pianiste Louise Bessette a reçu le prix « Événement musical de l’année ». Elle a été de plus couronnée « Interprète de l’année », un prix accompagné d’une bourse de 5 000 $ du Conseil des Arts du Canada. Le premier prix dans cette catégorie avait été attribué en 1998 au pianiste Marc-André Hamelin.

      Accompagné d’un montant de 10 000 $ du Conseil des arts et des lettres du Québec, somme la plus importante de la compétition, le prix « Compositeur de l’année » est allé à Analia Llugdar, une virtuose de l’écriture instrumentale très appréciée des musiciens.

      Une des surprises de la soirée a été l’annonce du prix « Directeur artistique de l’année » accordé à Guy Soucie, directeur de la réputée Chapelle historique du Bon-Pasteur, pour son apport exceptionnel à la promotion de jeunes artistes d’ici. C’est avec beaucoup d’enthousiasme que l’auditoire a applaudi le lauréat, visiblement abasourdi par cette nouvelle.

Revivre en image le gala des prix Opus
La qualité des lauréats a prouvé une fois de plus que le Québec foisonne de musiciens de talent. Le gala des prix Opus souligne l’importance de ces talents, il encourage les créateurs et permet au public de les découvrir. On peut revivre l’événement en photos et lire les commentaires de Françoise Davoine sur son blogue : Blogue de Françoise Davoine La liste complète des prix Opus est disponible dans les pages de LSM et sur le site du CQM : www.cqm.qc.ca ou www.prixOpus.qc.ca

                                                                                                          
1 Avant d’adopter le nom de Conseil québécois de la musique (CQM) en 1993, l’Association des organismes musicaux du Québec (AOMQ) avait été fondée le 19 novembre 1987. Organisme sans but lucratif, sa mission est de défendre les intérêts du milieu musical québécois en assurant la reconnaissance et le développement de la musique de concert. C’est dans ce but qu’a été mis sur pied le gala des prix Opus.