Bienvenue

Merci de vous intéresser à mon blogue.
Vos commentaires sont bienvenus

lundi 5 novembre 2012


PHILIPPE SLY
Une nouvelle comète au firmament de la scène lyrique
La Scena Musicale - juillet-août 2012

 Voix superbe, allure de jeune premier et charisme étonnant : le baryton-basse Philippe Sly a rapidement séduit une bonne partie du public du Concours Musical International de Montréal (CMIM). Celui-ci était néanmoins loin de se douter que le jeune chanteur allait rafler presque tous les prix.
    
La dernière année avait déjà été des plus fastes pour l’artiste de 23 ans : lauréat 2011 des célèbres Auditions du Conseil national du Met de New York, Révélation classique de Radio-Canada 2011-2012, prix Jeune Soliste des Radios francophones publiques. Philippe Sly avait choisi pour le CMIM des œuvres de styles différents, chantées avec sobriété, espérant que sa personnalité transparaîtrait à travers son interprétation, n’hésitant pas à terminer sa prestation sur une page méditative de la Passion selon Saint-Mathieu de Bach.

Voix et expression corporelle – un intérêt qui n’a jamais faibli

     Ayant grandi à Ottawa, d’une mère originaire de La Tuque au Québec et d’un père de Gananoque en Ontario, le chanteur a toujours été intéressé par la combinaison de la voix et de l’expression corporelle. Dès la tendre enfance, il était déjà un showman. Vêtu d’un habit noir, d’un chapeau et de gants, il chantait et dansait en imitant son idole Michael Jackson, À l’âge de sept ans, il a pu étudier le théâtre, aussi bien que la musique, tout en s’initiant à l’opéra. C’est à McGill qu’il s’immergea complètement dans ce monde fabuleux. L’apprentissage du cinéma a aussi nourri son intérêt pour la scène. Chaque vendredi, les enfants de la famille Sly devaient écouter un film choisi par le père et le commenter. Il se rappelle aujourd’hui combien la voix de baryton d’Orson Welles et celle de Laurence Olivier dans Shakespeare ont meublé son imaginaire : « de la musique pour ses oreilles ».

L’évolution du chanteur et de l’acteur : une progression réfléchie

Philippe vient de compléter un baccalauréat en interprétation vocale. « Mon professeur en technique vocale à McGill, Sanford Sylvan, est unique. Son approche est différente avec chaque étudiant. Sans imposer sa technique, il aide le chanteur à découvrir sa personnalité et le son naturel de sa voix » À son arrivée, il y a quatre ans, son registre vocal alternait entre contre-ténor et basse. L’année suivante, on lui attribuait le rôle de Nick Shadow, le baryton dans The Rake’s Progress de Stravinski, répertoire excitant, mais particulièrement exigeant. Le critique Claude Gingras notait, au sujet du nouveau venu : « Un interprète se détache nettement de l'ensemble et vaut finalement tout le spectacle: Philippe Sly, en Nick Shadow portant tricorne et verres fumés et bougeant avec la rapidité d'un serpent. La voix de baryton et l'aisance en scène sont déjà celles d'un grand professionnel. Étonnant. » Il campa ensuite le rôle de Marcello dans La bohème, un grand défi pour lui.

Dès qu’il entre en scène, impossible de ne pas remarquer l’importance chez lui de l’expression corporelle qu’il a beaucoup observée au théâtre et au cinéma. « Toutes les expressions sont perceptibles au cinéma, ce qui n’est pas le cas au théâtre et à l’opéra, explique-t-il. Il faut beaucoup de concentration pour arriver à exprimer ce que l’on veut dans un simple haussement de sourcils. Il n’y a pas de trucs. Quoique l’on t’enseigne, il faut toujours passer du temps à faire une recherche personnelle.»

Malgré l’expérience acquise cette année avec l’ensemble lyrique du Canadian Opera Company à Toronto, Philippe préfère se montrer prudent côté répertoire. Il choisira donc d’abord Mozart, Haendel, Britten et Donizetti, plutôt que Verdi. Il rêve toutefois d’incarner un jour le personnage fuyant de Don Giovanni, en espérant en saisir le caractère, ainsi que celui eu Billy Budd.
D’ici là Philippe sera de la distribution de Das Labyrinth au Festival de Salzburg cet été et fera ses débuts à l’Opéra de San Francisco en juin 2013 dans Cosi Fan Tutte de Mozart, dans le rôle de Guglielmo. L’amorce d’une carrière qui s’annonce florissante !      


ENCADRÉ
Philippe Sly enregistrera son premier album en septembre avec le pianiste Michael McMahon pour la maison de disques Analekta. On pourra entendre le Dichterliebe, 4 poèmes du compositeur français Guy Ropartz, d’après le même Intermezzo lyrique de Heinle ayant inspiré Schumann. Don Quichotte à Dulcinée de Ravel et Three Tennyson Songs, écrites pour lui par son ami le compositeur anglais Jonathan Dove. Un deuxième CD des Cantates de Rameau avec la soprano Hélène Guilmette, le claveciniste Luc Beauséjour et un petit ensemble suivra la version donnée en concert le dimanche 30 septembre à la salle Bourgie.



mercredi 27 juin 2012



LA FEMME AUX SEMELLES DE VENT
Road opéra inspiré d’une expédition au Tibet

Passionnée de voyages, Alexandra David-Néel effectua en 1924, une expédition à la fois dangereuse et clandestine sur la terre du Tibet jusqu’à Lhassa, capitale interdite. Plusieurs fois refoulée, la « femme aux semelles de vent » s’était finalement déguisée en mendiante pour y entrer, en compagnie d’un jeune moine qu’elle a adopté par la suite. Elle fut la première femme occidentale à pénétrer dans la ville sainte. Ayant vécu plus de cent ans (1868-1969), elle fut tour à tour cantatrice, journaliste, féministe, bouddhiste, écrivaine et philosophe. C’est l’extraordinaire expédition de cette exploratrice déterminée que Chants Libres a choisi de raconter dans Alexandra, son 14e opéra, conçu et mis en scène par Pauline Vaillancourt, sur une musique originale de Zack Settel, d’après un livret inédit de Yan Muckle.

Le choix d’un personnage
« Créer une œuvre, c’est lui donner son souffle, offrir une voix à un personnage », a dit Pauline Vaillancourt. Elle l’avait déjà fait en 1997 avec Frida Khalo (Yo soy la desintegracion). « J’ai choisi cette fois-ci Alexandra David-Néel, un personnage étonnant. Elle a depuis longtemps suscité ma curiosité en accomplissant, au début du 20e siècle, des exploits qu’aucune femme n’avait réussis à cette époque. Seule femme dans un monde d’homme, elle devait diriger des expéditions dans des conditions extrêmement difficiles. Celles qu’elle a entreprises au Tibet montrent bien sa détermination à réaliser ses rêves. »
      Féministe, Alexandra David-Néel menait une vie libre. Chanteuse d’opéra, elle a fait des tournées dans le monde entier. Les voyages demeuraient sa grande passion. Au bruit des bravos, elle préférait l’écho des gongs tibétains. En 1911, elle quitte son mari pour s’envoler en Extrême-Orient et en Asie centrale, d’où elle lui écrira de nombreuses lettres, publiées après sa mort dans son Journal de voyage. Elle ne retrouvera sa famille qu’en 1925. La plus grande partie de sa vie a été consacrée à l’exploration et à l’étude des peuples d’Asie, de leurs philosophies et de leurs langues. Elle a pu ainsi traduire des manuscrits écrits en tibétain et en sanscrit. Elle a publié de nombreux livres, dont le dernier en 1964, cinq ans avant sa mort. Même si elle avait de la difficulté à se déplacer dans les dernières années, Alexandra David-Néel a fait renouveler son passeport à l’âge de 100 ans. « La persévérance dans l’effort est une qualité qui manque beaucoup à la nouvelle génération » remarque Pauline Vaillancourt.

L’importance du lien entre les créateurs
En 2010, Pauline Vaillancourt a passé sept semaines au Tibet, en compagnie du librettiste Yann Muckle. Au retour, elle a fait la conception du spectacle, pendant que Muckle commençait le livret. Le compositeur Zack Settel s’est joint à l’équipe peu après. À mesure que se développait le projet, la conception vidéographique a été confiée à Jean Décarie, connu également sous le pseudonyme de Neam Cathod. Véritable artiste multidisciplinaire, homme-orchestre de la vidéo, il devait élaborer une conception à partir des images tournées par Vaillancourt et Muckle. Pour situer l’action, il fallait imaginer un lieu qui suggère les hauteurs de l’Himalaya. L’œuvre de l’artiste Jocelyne Alloucherie explore de manière conceptuelle et poétique des notions relatives à l’image et au lieu. C’est elle qui signe la scénographie des glaciers sur lesquels seront projetées les images. Les personnages de la production se déplacent continuellement, ce qui justifie qu’on la qualifie de « road opéra ». C’est aussi un opéra de chambre, si on considère que huit chanteurs et six musiciens sont sur scène. Pauline Vaillancourt s’est réservé le rôle de l’exploratrice à 90 ans. Elle y raconte l’histoire de la fabuleuse expédition.
      À l’occasion des 20 ans de Chants Libres, Pauline Vaillancourt reconnaissait qu’il est de plus en plus difficile de convaincre les gens de prendre un risque pour assister à une nouvelle création contemporaine. Elle voudrait leur dire : « Soyez déstabilisés, venez voir! » Elle veut parler à l’imagination des gens, afin qu’ils reçoivent une charge d’émotions différentes de celles qu’ils reçoivent tous les jours. La collaboration entre tous les concepteurs est un élément essentiel pour que tout s’imbrique, afin que l’œuvre touche le public. Une grande latitude est laissée aux créateurs. Yann Muckle déclarait l’an dernier à LSM : « Pauline veut vraiment explorer, entrer dans un nouveau territoire. Elle respecte les univers de chacun et les unifie dans une même vision. »

Pour mieux connaître Alexandra David-Néel, Pauline Vaillancourt recommande les lettres adressées à son mari, de 1918 à 1940 : Journal de voyage (en deux volumes, Paris, Plon, 1976) et Voyage d’une Parisienne à Lhassa (Paris, Plon, 1975). Les nombreux manuscrits rapportés par  l’exploratrice  sont conservés au musée Guimet à Paris et à sa maison de Digne-Les-Bains en Provence, un centre culturel qui porte son nom. http://www.alexandra-david-neel.org/