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dimanche 13 décembre 2009

Société pour les arts en milieux de santé (SAMS)
LA MUSIQUE DANS LES MILIEUX DE SANTÉ 
Un projet pour briser l’isolement des aînés

La Scena Musicale, octobre 2009

Le visage éclairé d’un sourire, les yeux rivés sur un guitariste qui occupe la petite scène, une soixantaine de résidents du Centre d’hébergement de soins de longue durée de Saint-Henri savourent ce moment de détente en musique. Malgré certains pensionnaires qui manifestent un peu bruyamment leur appréciation, l’ambiance générale est au recueillement et la plupart d’entre eux écoutent attentivement. « C’est une musique qui nous calme » affirme une dame ravie.


Un rayon de lumière dans la solitude
        La Société pour les arts en milieux de santé (SAMS) a été créée en mars 2009 pour améliorer la qualité de vie des personnes vivant en résidence. L’organisme a pour mandat d’apporter la culture à ceux dont l’accès aux concerts ou au théâtre est souvent devenu impossible. Les 46 CHSLD de l’Île de Montréal , tous sous la compétence de l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal (ASSSM), recevront cette année 552 prestations musicales. La SAMS espère augmenter ses activités et atteindre éventuellement les centres de réadaptation, les centres jeunesse, les autres centres d’hébergement et aussi les maisons de retraite.


        Quatre organismes ont accepté de collaborer avec la SAMS : le Conservatoire de musique de Montréal, la Faculté de musique de l’Université de Montréal, les Jeunesses musicales du Canada (JMC) et l’Orchestre Métropolitain. De 55 à 70 musiciens professionnels et étudiants en fin d’études, tous rémunérés, se partageront la série de concerts. Selon la directrice générale et artistique Annie Saumier, les musiciens ont accueilli le projet avec enthousiasme, heureux que la plage horaire inhabituelle de ces concerts leur permette de participer au développement d’une nouvelle clientèle. Consciente du large bassin d’excellents musiciens à Montréal, elle prévoit continuer d’accroître le partenariat avec divers ensembles.


Un rêve qui prend forme

        Basée sous le modèle de la Health Art Society fondée par David Lemon en Colombie Britannique en 2006, la SAMS est l’initiative de Sylvia l’Écuyer, animatrice-réalisatrice à Radio-Canada. Les activités de cette Société connaissent là-bas un grand succès auprès des résidents et de leurs familles qui accueillent les musiciens avec reconnaissance. À l’automne 2008, afin de planifier l’établissement d’un organisme similaire à Montréal, Sylvia L’Écuyer demande au député mélomane Daniel Turp de l’aider dans sa démarche. Emballé par le projet, M. Turp décide de s’impliquer, même s’il n’agit plus maintenant en qualité de député. Pierre Vachon, directeur communications-marketing à l’Opéra de Montréal, accepte de se joindre à l’équipe.


        Le 16  mars 2009, les trois premiers administrateurs, en compagnie de David Lemon, soumettent le projet au PDG de l’ASSSM, David Levine. À leur grande satisfaction, il se déclare vite intéressé et leur offre spontanément son soutien. Non seulement va-t-il les aider à trouver du financement, mais il va lui-même présenter le projet à ses directeurs. Peu de temps après, il leur annonce que l’ASSS et le Ministère de la Santé et des Services Sociaux du Québec leur accordent  une subvention de 90 000$. M Levine leur a trouvé en plus un partenaire privé, TELUS (Solutions en santé), qui consent à leur attribuer le même montant. La SAMS a dorénavant les moyens de réaliser le projet.

La concrétisation d’un projet important pour les aînés

        Les premiers membres du Conseil d’administration, auxquels se sont joints la peintre Rita Ezrati et Olivier Deshaies d’Hydro-Québec, commencent aussitôt à jeter les bases du nouvel organisme à but non lucratif. Il faut trouver d’urgence une personne efficace pour en prendre la direction, produire rapidement une programmation dans les 46 centres concernés, tout en continuant à développer le projet. Gestionnaire dynamique et créative Annie Saumier devient alors, le 15 septembre 2009, la première directrice générale et artistique de la SAMS. Musicienne elle-même, cette perle rare possède une connaissance du milieu culturel, une expérience au sein des JMC et elle est titulaire d’un MBA de l’École des Hautes études commerciales de Montréal (HEC). 


        Afin de faire connaître  l’organisme, un lancement a lieu le 26 mai au Centre Saint-Henri. Les résidents ont le bonheur d’entendre une courte prestation des solistes de la production Lucia di Lamermoor de l’Opéra de Montréal : Église Gutierrez, Stephen Costello, Jorge Lagunes, Alain Coulombe, Sarah Myatt, Antoine Bélanger et Pierre-Étienne Bergeron. Marie-Ève Scarfone les accompagnait au piano. Un cadeau inespéré reçu avec enthousiasme par l’assistance. L e 1er octobre suivant, la saison 2009-2010 est lancée officiellement par un concert au Centre d’hébergement Biermans, à l’occasion de la Journée Internationale de la Musique, une date qui coïncide avec la Journée Internationale des personnes âgées.


Un bonheur pour les aînés et une nouvelle avenue pour les musiciens 

        Après le concert du 8 octobre au Centre de Saint-Henri, certains résidents ne se sont pas fait prier pour donner leurs impressions et exprimer la joie que ce moment privilégié leur apporte. Enthousiaste, M. Van de Velde, tenait à faire des commentaires élogieux à  Annie Saumier et à féliciter l’artiste invité. Originaire de Russie, le guitariste Daniel Bolshoy habite Montréal depuis deux ans et enseigne à l’Université Concordia. Son expérience de tournées avec les Jeunesses Musicales du Canada l’a amené à commenter ses prestations pour différents publics. Mais c’était pour le virtuose la première expérience avec cette clientèle. Très heureux de constater la qualité d’attention de cet auditoire, il anticipe avec joie son prochain concert.


        Ancien professeur de piano au Conservatoire, une autre résidente a loué cette initiative qui met de la joie dans le cœur de ces gens isolés de la vie artistique. « Chaque seconde que nous vivons » disait Pablo Casals « est une parcelle nouvelle et unique de l’univers, un moment qui ne sera jamais plus. » Dans ce lieu où la vie se passe au ralenti, la musique est comme un rayon de soleil, « comme une séance de relaxation » a ajouté une autre bénéficiaire. Les musiciens ne demandent pas mieux que de partager le bonheur de la musique.


        Dans son dernier livre L’élégance du hérisson, Muriel Barbery fait cette réflexion qui apparaît si pertinente dans la situation actuelle : « L’Art, c’est la vie, mais sur un autre rythme ». Les concerts de la Société pour les arts en milieux de santé offrent déjà en musique, pour le bonheur de nos aînés, la vie « sur un autre rythme ».


UN REQUIEM DE BACH 
Une parodie de François Panneton

La Scena Musicale, octobre 2009


C’est en écoutant le Magnificat de Bach dans sa jeunesse que François Panneton a ressenti le choc qui allait plus tard déterminer son choix de carrière. L’appel de la musique vocale a été irrésistible. Elle a fait de lui un musicien innovateur, toujours à l’affût de nouvelles avenues pour faire connaître cette musique. C’est en voulant partager sa passion qu’il a eu l’idée de se servir de la « parodie », un procédé musical utilisé encore de nos jours. Ne comportant aucune idée péjorative, cette manière a servi à Bach à plusieurs reprises. Plusieurs pages de ses cantates se retrouvent dans sa Messe en si. « Ce que j’ai fait, Bach l’a fait », plaide François. Une nouvelle façon de faire et une découverte pour les auditeurs.


La conception et la création du Requiem              

        François Panneton dirige des chorales depuis 12 ans. Grand passionné des cantates de Bach, il rêve d’en produire avec ses chanteurs. Mais les cantates sont composées surtout de solos et les chœurs y occupent peu de place. En outre, la technique vocale est exigeante et les textes en allemand présentent une difficulté de plus pour des chanteurs amateurs. Frustré d’avoir tous ces chefs-d’œuvre sous la main sans pouvoir les exploiter comme il le voudrait, le chef de chœur cherche une solution. C’est ainsi que germe l’idée de créer un grand Requiem de Bach qui serait construit à partir de ses merveilleuses cantates et chanté en latin dans la langue originale de la liturgie.


        En ouvrant son missel à la Messe des Morts, François décide de s’inspirer de l’ordre habituel de la liturgie des défunts et de remplacer les textes allemands originaux par les textes latins propres à cette liturgie. La sélection est faite à partir des plus belles pages des cantates sur le thème de la mort. Tous les aspects du culte des défunts y sont abordés : le repos éternel, le salut, la colère divine, l’aspiration à la mort, la crainte de Dieu, etc. Le souci de respecter au plus près la pensée musicale de Bach a guidé ses choix. Quelques modifications ont été apportées à la notation originale, pour mieux servir l’adaptation latine. L’œuvre a exigé un travail phénoménal : choisir les extraits parmi les 200 cantates de Bach, entrer toutes les notes du Requiem dans l’ordinateur, faire les arrangements, éditer les parties d’orchestre, etc. Voici donc un grand Requiem de Bach pour trois solistes, chœur et petit ensemble, qui fera connaître ces extraordinaires pages de cantates, si rarement exécutées.


Du génie mécanique à la musique

        Issu d’une famille de musiciens, François suit les traces de ses trois sœurs qui font partie de notre univers musical. Hélène est organiste et claveciniste, Isabelle est compositrice et enseignante à la Faculté de musique de l’Université de Montréal et Denise enseigne au Conservatoire de musique de Montréal. Il découvre dans sa jeunesse les concertos brandebourgeois de Bach. Un choc qui lui a donné le désir d’en apprendre davantage sur le compositeur. Déjà intéressé par l’art vocal, il découvre le Magnificat de Bach. C’est le coup de foudre ! Même si la musique a toujours été présente dans sa vie, François Panneton se destinait plutôt à une carrière scientifique. Le sort en a décidé autrement. Avec un diplôme en génie mécanique obtenu en 1982, François débouche sur le marché du travail en pleine récession économique. Voilà sa chance de prendre une autre direction. Il décide donc en 1983 d’entreprendre un baccalauréat, puis une maîtrise en chant à l’Université de Montréal, suivi de deux stages de perfectionnement en Europe. Il possède en plus une maîtrise en direction de l’Université de Sherbrooke.


Le chemin parcouru en musique chorale

        Dans le but de faire connaître la musique chorale, François Panneton a fait de nombreux arrangements, dont un Te Deum avec trois trompettes, timbales et cordes et un Récit de la Nativité, chanté en français, toujours sur la musique de Bach avec accompagnement de basse continue. Il cherche toujours de nouvelles avenues pour présenter la musique ancienne, comme les Saisons de Vivaldi. Peu de gens savent qu’au moment de composer ses Saisons, Vivaldi avait sous les yeux des poèmes qui lui servaient d’inspiration. N’est-il pas important que les gens sachent que Vivaldi leur raconte une histoire ? François conçoit donc un arrangement de deux Saisons de Vivaldi avec chœurs et orchestre. Il intègre les textes en italien à chacun des mouvements. Enfin, beaucoup de projets sont encore en gestation dans la tête de ce créateur : un Requiem de Haendel, un autre de Schubert, des Te Deum, un Stabat Mater, etc.


L’avenir du Requiem

        Le Requiem de Bach a été créé au printemps 2007 à Sherbrooke avec l’Ensemble vocal Amadeus et à Montréal avec l’Ensemble vocal Les Beaux Regards. Les deux chœurs amateurs étaient accompagnés par un quintette à cordes auquel on a ajouté flûte et théorbe.


        Emballée par ce projet la maison de disques Production XXI a proposé un enregistrement avec des musiciens et chanteurs professionnels, afin d’assurer la qualité de la prestation et la continuité de la diffusion. La réalisation en a été assurée par Pierre Dionne avec l’ensemble Les Agréments, mis sur pied spécifiquement pour ce projet. Musiciens: Hélène Plouffe, Karol Gostynski, Jacques-André Houle, Chantal Rémillard, Lucie Ringuette, Amanda Keesmaat, Pierre Cartier, Grégoire Jeay, Francis Colpron, Christopher Palameta, Philippe Magnan, Madeleine Owen, Dorothéa Ventura. Solistes: Anne Saint-Denis, soprano, Noëlla Huet, mezzo-soprano et Marc Boucher, baryton.


        François Panneton aura bientôt 50 ans. La sortie imminente de cet enregistrement est pour lui un merveilleux cadeau d’anniversaire. La création de son Requiem de Bach est une découverte qui devrait séduire un large public en permettant d’écouter d’une nouvelle façon des chœurs regroupés pour notre plus grand plaisir. Les amateurs de musique chorale sont nombreux. Pourquoi alors ne pas leur permettre de découvrir des pages exceptionnelles et les trésors cachés qui les accompagnent ?





LE CONCOURS DE MUSIQUE DU CANADA 
Les Olympiades de la musique classique

La Scena Musicale, juillet 2009


Le jeune musicien passe l’année à travailler son instrument en solitaire.  Comme le sportif qui se prépare pour les Jeux olympiques, il a besoin d’une motivation pour apprendre à affronter le monde compétitif qui l’attend. C’est ce que lui fournit le Concours de musique du Canada qui revient chaque année comme le printemps.

        Ambassadeur artistique du Concours de musique du Canada (CMC), le chef d’orchestre Jean-François Rivest en parle avec conviction. « C’est parce qu’on fait des concours et des concerts qu’on devient à l’aise sur scène. Pour faire son chemin dans le monde des arts, il faut savoir se battre et apprendre à se mesurer à un monde compétitif. Le CMC permet d’apprendre à vivre avec la compétition et le tract » 


        Fondateur en 1993 de l’Orchestre de l’Université de Montréal (OUM) qu’il dirige toujours, le dynamique chef d’orchestre a été directeur artistique de l’ensemble Thirteen Strings d’Ottawa et de l’Orchestre symphonique de Laval, deux activités qu’il a abandonnées en 2006 pour se consacrer durant trois ans à son mandat de chef en résidence à l’Orchestre symphonique de Montréal. Avec les années, ses mandats se sont considérablement élargis. Il a dirigé plusieurs répétitions et de nombreux concerts, assistant Kent Nagano aux enregistrements et aux tournées de l’orchestre. Le développement du volet éducatif est un mandat dont il est particulièrement fier.


        Jean-François Rivest croit que le salut de l’humanité passe en grande partie par le développement de l’homme et que  les arts y occupent une grande part. Il éprouve un très grand bonheur à partager son expérience avec les jeunes, parce qu’il considère que la transmission des connaissances musicales aux prochaines générations est très importante. C’est pour ça qu’il accorde une aussi grande part à l’éducation musicale qu’à l’action musicale. Il jouit d’une solide réputation comme chef d’orchestre et pédagogue. Par l’expérience acquise à l’OSM, il s’est fait connaître davantage du grand public qui a pu apprécier ses dons de communicateur. On ne peut rêver d’un meilleur ambassadeur pour une « olympiade musicale », ni d’un meilleur « coach » pour initier les jeunes au travail avec orchestre. « La mise en place d’un soliste avec orchestre est délicate. Le soliste travaille habituellement avec un piano qui a un côté percussif réconfortant. Mais avec un orchestre, le soliste doit développer une très grande force rythmique et une grande cohérence. »


        Concours d’envergure nationale, le Concours de musique du Canada a pour but de soutenir et d’encourager les jeunes interprètes canadiens. Le déroulement se présente en trois étapes sur une période de trois mois. Les premières épreuves régionales ont lieu dans 19 villes à travers le Canada. Elles sont suivies des finales provinciales et de la finale nationale. Depuis sa fondation, le CMC a vu naître les carrières de grands noms comme, Marie-Nicole Lemieux, Alexandre Da Costa et Gregory Charles.


        Réunissant 264 musiciens et chanteurs de 7 à 30 ans, la finale de la 51e édition du CMC se déroule depuis le 19 juin à la salle Claude Champagne1. Voilà une magnifique possibilité pour les mélomanes d’entendre gratuitement les meilleurs espoirs de la relève classique, toutes disciplines confondues. Un concert gala2 sera présenté le 6 juillet, à 19 h 30. On y entendra le violoniste Alexandre Da Costa et quelques-uns des lauréats, accompagnés par L’Orchestre de la Francophonie Canadienne, sous la direction de Jean-François Rivest.


1    Épreuves de la finale, du 19 juin au 6 juillet, salle Claude-Champagne, 220 avenue Vincent-d’Indy (métro Édouard-Montpetit)


2    Concert gala, le 6 juillet, 19 h 30, salle Claude-Champagne, Renseignements : (514) 284-5398






LE PÈRE FERNAND LINDSAY 
La force tranquille d’un visionnaire 

La Scena Musicale, avril 2009


C’était le père du Festival de Lanaudière, l’esprit du lieu. Toujours présent aux concerts, calme et serein, il accueillait les gens avec ce sourire infiniment bon qu’on lui connaissait, heureux de constater la constance et la fidélité de son public. C’était aussi le père spirituel des jeunes musiciens de son Camp musical qui commençaient la journée en chantant sous sa direction. Malgré ses nombreuses occupations, Il était omniprésent aux activités musicales montréalaises, s’attardant souvent à discuter avec de nombreux mélomanes admirateurs, attentif à chacun, comme s’il avait tout son temps. On aurait voulu le croire immortel. Hélas ! Le père Lindsay nous a quittés, nous laissant tous pantois, consternés par la nouvelle. Comment allons-nous perpétuer son œuvre?

La priorité du pédagogue : développer le goût de la musique chez les jeunes

        Le jeune Fernand Lindsay commence  l’étude du  piano à 5 ans. Possédant la détermination du taureau, son signe du zodiaque, il réussit  à convaincre sa mère à 12 ans de l’envoyer au séminaire de Joliette, afin de plonger dans le milieu musical qui y règne. Passionné de musique, il y poursuit l’étude du piano et apprend en plus l’orgue, la clarinette et le basson. Il avoue toutefois aimer aussi passionnément la littérature, le tennis et le hockey.


        Soucieux de favoriser le développement de la musique chez les jeunes, il crée en 1962 un festival-concours dont les bourses permettront à de jeunes musiciens de la région de séjourner gratuitement au Centre d’arts d’Orford. Constatant par la suite que les jeunes n’y étaient acceptés qu’à partir de 17 ans, il convainc sa communauté religieuse d’utiliser le domaine des Clercs de Saint-Viateur, au Lac Priscault à Saint-Côme, pour en faire un camp musical dédié aux enfants de 9 à 16 ans. Ainsi prend naissance en 1967 le Camp musical de Lanaudière qui a fait la joie de milliers d’enfants et qui a vu éclore la carrière de nombreux musiciens québécois. 


        Cette oasis de verdure, située sur le bord de l’un des  beaux lacs de la région, accueille de jeunes enthousiastes qui savent qu’ils peuvent s’y amuser tout en faisant de la musique. Les campeurs commencent la journée en chantant dans la chorale que le père Lindsay dirige avec un plaisir évident, un rituel qu’il conservera jusqu’à la fin. Responsable de l’atmosphère détendue qui règne au camp musical, le père Lindsay occupe au début une modeste roulotte située en plein cœur de l’action. Chacun sait qu’il y trouvera une oreille attentive en tout temps. C’est cette qualité d’écoute exceptionnelle qui a frappé surtout Élaine Marcil, du Quatuor Claudel-Canimex. : « J’ai rarement vu quelqu’un écouter comme ça. Quand j’allais le voir pour lui raconter ce qui se passait dans ma vie, il me posait une question et je sentais qu’il m’écoutait avec un grand intérêt. Dans un monde où tout va trop vite, c’était comme une thérapie. »


Le rêve devenu réalité : le Festival international de Lanaudière

        C’est en 1963 que le Père Lindsay décide de poursuivre ses études de philosophie à l’Institut catholique de Paris et à la Sorbonne, apportant dans ses bagages Le clavier bien tempéré de Bach, son disque préféré dont il ne se sépare jamais. Durant ses vacances, il visite les grands festivals de musique. C’est une révélation, une découverte qui nourrira le reste de sa vie et sera à l’origine de son grand rêve: pourquoi  le  Québec n’aurait-il pas aussi un grand festival international de musique? L’idée fait tout doucement son chemin et mûrit jusqu’en 1977.


        Le Festival tant désiré connaît un début très modeste et se compose exclusivement de bénévoles parmi lesquels deux amis vont devenir rapidement de précieux collaborateurs: René Charrette, directeur de la Société nationale des Québécois de Lanaudière et Marcel Masse, alors vice-président chez Lavalin.  Les concerts se produisent dans l’amphithéâtre du CEGEP et dans les  Églises des villages environnants. En 1984, l'imprésario Paul Dupont-Hébert est nommé directeur général du Festival. « Son embauche a été le dernier tournant qui a fait que le Festival a vraiment pris son élan. » dira le père Lindsay.


        En 1985, pour « donner un grand coup » Il annonce les deux  vedettes de films qui viennent d’obtenir un immense succès à travers le monde : Julia Migenes-Johnson (de Carmen) et Wilhelmenia Fernandez (de Diva) « La chose paraissait extravagante, mais le public a suivi. » déclare le père Lindsay. C’est à ce moment que le Festival est devenu vraiment international.


        Mais le Festival avait besoin d’un écrin digne de ses artistes et de ses mélomanes. Convaincu que ce rêve est réalisable, le père Lindsay, avec sa patience, sa force de persuasion et son charme irrésistible, commence sa campagne de séduction. Épaulé par Paul Dupont-Hébert, il décroche des commanditaires prestigieux et obtient plusieurs subventions gouvernementales. « Moi, je ne suis qu’un vendeur de rêve. Le grand responsable de la couleur de ce rêve musical, c’est le Père. » avoue M. Dupont-Hébert. Les conditions gagnantes réunies permettront de concrétiser le grand rêve du père Lindsay: la construction de l’Amphithéâtre, dont l’inauguration aura lieu le 18 juillet 1989.


L’héritage du géant

        Le père Lindsay était une force de la nature, un monument, une comète qui a traversé le ciel musical trop rapidement. C’était un pédagogue extraordinaire, plein d’humour, allumant le feu de la passion chez les musiciens et mélomanes qu’il a côtoyés. Un homme d’une rare humilité qui trouvait toujours une excuse à son succès, comme s’il n’était pas mérité. Alors qu’il était nommé Personnalité de l’année 1987 dans le domaine musical, Claude Gingras écrivait à ce sujet dans La Presse : « Quand je lui ai appris qu’il était l’élu, le Père prit cet air équivoque qui le caractérise parfois : il a murmuré quelque chose qui tenait à la fois de l’acceptation et du refus. L’honneur lui revenait : l’infatigable animateur le savait aussi bien que nous. Mais l’humble religieux qu’il n’a jamais cessé d’être, parut embarrassé d’accepter seul cet honneur et mentionna immédiatement ceux qui le secondent… »


        C’était un grand visionnaire ayant un flair incomparable. Tout ce qu’il a touché s’est transformé en grands succès. Mais le prêtre Fernand Lindsay avait fait le vœu de pauvreté. Sa richesse aura été de donner et de partager, ce qu’il a fait depuis sa tendre enfance. La mère d’Alex Benjamin, le directeur adjoint au Festival, est allée en 2000 à New York avec le père Lindsay et un couple d’amis pour entendre Anton Kuerti  jouer les cinq concertos de Beethoven. Collaboratrice du père Lindsay depuis les débuts du Camp musical, Mme Benjamin se réjouissait de pouvoir écouter le concert dans l’intimité, sans être entourée de tout le monde qui vient habituellement  saluer le père Lindsay. Elle s’apprêtait à l’entracte à lui faire part de sa réflexion  lorsqu’il lui dit « C’est très beau Raymonde, mais c’est dommage qu’on n’ait pas amené un autobus pour que plus de monde puisse en profiter. » Écouter la musique c’était beau, mais la faire partager, c’était encore mieux !


        Le père Lindsay avait une grande confiance en la vie. L’annonce d’une catastrophe en vue ne réussissait pas à l’émouvoir. « C’était comme s’il avait une ligne directe avec en-haut » raconte Marcel Saint-Cyr, membre du Quatuor Eisenstadt qui se trouvait au Camp musical à la fin des années 1980. « Nous avions un concert avec clavecin prévu le lendemain. Il faisait une telle humidité que le clavecin est devenu inutilisable. J’annonce au père Lindsay qu’il faut annuler le concert. Mais lui me répond avec son calme imperturbable : « On verra. » Le lendemain, le vent s’était levé, l’humidité était tombée et le clavecin avait retrouvé sa forme. Je me suis dit que, Le Saint-Esprit, c’était peut-être lui ! »


        Avait-il un défaut ? Une fêlure quelque part ? « Il est souvent en retard » a-t-on avoué dans son entourage. Et tous reconnaissent qu’il avait comme péché mignon d’aimer la bonne table. La journaliste Simone Piuze l’a rencontré en 1987. Comme il était en retard, elle l’attendait dans sa chambre et en a fait une description qui dépeint très bien le personnage: « Dans l’humble chambre-bureau règne un joyeux désordre. Peu de meubles, mais des livres, des disques. L’Approche contemporaine d’une affirmation de Dieu et La Consolation de la philosophie côtoient Le Bouddhisme et Le Bottin gourmand, Chœurs d’opéras célèbres, le guide Michelin des châteaux de la Loire, deux petits sacs de bonbons, des cartons d’allumettes de restaurants parisiens et, près d’un fauteuil recouvert de vêtements et d’objets divers, une bouteille de vin enrubannée. Sur le bureau, un Time ouvert sur un article traitant de fécondation in vitro. Sur la machine à écrire, une lettre adressée au ministère des Affaires culturelles. Au fond de la chambre, un lit tout simple, mais face au bureau, sur une étagère, une sculpture représentant Orphée, lyre à la main. » (L’actualité, Simone Piuze, Le Père du Festival, juin 1987)


        Il aimait la musique et il aimait enseigner la musique. C’est ce qu’il souhaitait qu’on retienne de lui. À Simone Piuze, il expliquait sa vision de l’enseignement : « Un prêtre dans l’enseignement, c’est la transmission d’une partie de la vérité et de la beauté des choses. Essayer de transmettre une partie de cette beauté des choses, c’est se rapprocher de Dieu… Sachant toute la satisfaction que la musique me donnait, j’ai voulu amener les jeunes à la découvrir dans le ravissement. »


L’ENSEMBLE DE GUITARES FORESTARE 
Le flash d’un délinquant…

La Scena Musicale, février 2009


Ceux qui s’y sont frottés savent qu’avant la grande plongée vers le fond, le noyé revoit d’un flash la vie qu’il a vécue. C’est ce qui est arrivé à cet adolescent embourbé dans la fange de la délinquance qui a eu d’un banal coup d’œil la révélation soudaine de la futilité de son existence. Penché sur ses bottes qu’il enfilait distraitement, il leva la tête et rencontra les yeux de son père qui interprétait à la guitare une simple petite valse sud-américaine. Une certitude le frappa d’un coup : c’en était fini de la délinquance. Jouer de la guitare, c’est ce qu’il voulait faire de sa vie! Le petit gars de Sorel venait de rencontrer son destin. Il avait 18 ans.                                             

Sauvé de la délinquance par la musique
        Douze ans plus tard, Alexandre Éthier, riche de l’expérience qu’il a acquise avec ses professeurs, les guitaristes Alvaro Pieri et Sérgio Assad, roule sa bosse en Europe en participant à des concours.  Il constate que le niveau des guitaristes du Québec n’a rien à envier à ceux de l’extérieur. Refusant le moule des concours où il trouve que l’innovation artistique ne tient pas assez de place, il décide de fonder un groupe qui se présenterait comme un jeu exploratoire, hors des sentiers battus. Son appel est accueilli avec enthousiasme. C’est ainsi qu’est né en 2002 un groupe dynamique de guitaristes appuyé par un contrebassiste et dirigé par un énergique chef d’orchestre.

De l’arbre à la guitare : une vocation écologique et musicale
        Stupéfiant ce qu’on peut faire avec une planche de bois! En la transformant en instrument de musique, par exemple, on redonne une nouvelle vie à l’arbre. Soucieux de faire comprendre au public l’importance de l’arbre dans sa démarche, Alexandre cherche un nom évocateur pour son groupe. Au Moyen-Âge, on appelait « foresta » les champs laissés en friche que se réservaient les seigneurs pour s’adonner au plaisir de la chasse. Ces forêts mal exploitées que nous connaissons aujourd’hui servent d’inspiration à cet ensemble musical qui veut sensibiliser ses auditeurs à l’importance de l’arbre. Le nom de FORESTARE convenait parfaitement à la mission écologique que le groupe veut promouvoir en s’impliquant socialement par des concerts gratuits aux organismes écologiques et autochtones.


        La musique de notre époque occupe une place importante dans FORESTARE qui veut repousser les limites du répertoire traditionnel de la guitare. Sortir des sentiers battus quand le répertoire est limité n’est pas chose facile. Malgré la difficulté, FORESTARE décide de se spécialiser dans les commandes d’œuvres aux compositeurs à qui on demande de s’inspirer de la nature en intégrant des éléments dans leurs compositions.                                                                                                    

Une musique de notre époque et des styles variés
        Extrêmement varié, le programme du dernier spectacle (1) de FORESTARE présente des transpositions pour la guitare de pièces comme Electric Counterpoint de Steve Reich et Gamelan de Murray Schafer. Y figurent aussi des commandes à des compositeurs québécois, comme Denis Gougeon et un membre d’Hexacorde, Francis Marcoux, dont la composition Selisir reproduit à s’y méprendre la sonorité d’un ensemble de gamelans. Le jeune Atikamek Pascal Quoquochi et le Brésilien Leo Brouwer enrichissent le répertoire de couleurs propres à leur culture. Deux membres du groupe, Mathieu Desy et François Gauthier, figurent parmi les compositeurs.


        La collaboration avec des artistes de disciplines différentes est au cœur de la démarche de FORESTARE qui a eu l’occasion de se faire entendre au Festival de jazz avec Catherine Major, Alexandre Désilets et le rappeur algonquin Samian. La rencontre avec Richard Desjardins a été déterminante pour le groupe. Les préoccupations environnementales de ces jeunes virtuoses ne pouvaient manquer de séduire l’infatigable défenseur de nos forêts. Il se joint à eux pour leur premier enregistrement, le temps de deux chansons, La Maison est ouverte et Les Yankees. Cet album (2) leur a valu le Félix 2007 « Album instrumental de l’année ».         


Un contenu enrobé d’une forme originale

      « Il convient que la beauté de la forme s'ajoute aux mérites du contenu, et non qu'elle les remplace » (Roger Caillois). Pour FORESTARE, il était important que les spectacles se distinguent de l’enregistrement par une présentation originale et dynamique. Ils ont ainsi fait appel à des gens de métier, dont le metteur en scène Dominique Trudeau et le comédien et chanteur Bruno Marcil. Les commentaires pertinents d’Alexandre Éthier qui présente chaque pièce ajoutent parfois des détails amusants. C’est ainsi qu’on apprend que Denis Gougeon a écrit Une Petite Musique de nuit d’été en revenant de son camp de pêche, ce qui incite le groupe à ajouter des effets visuels de clair de lune. Pour les aider à adopter en scène une attitude naturelle autant que professionnelle, les musiciens jouent sans lutrin. Les arrangements habiles sont tellement diversifiés, qu’après avoir écouté les criquets en forêt avec Gougeon, on se retrouve à swinger sur J’ai planté un arbre de Vigneault, avec accompagnement de bombarde. L’arrangement d’Éthier débute par une phrase d’une suite de Bach avant de passer au thème de la chanson!                                     


Un avenir prometteur 
        FORESTARE a le vent dans les voiles. Cet ensemble de douze guitares et une contrebasse est dirigé de main de maître par Pascal Côté, chef de chœur, chef d’orchestre et enseignant de la musique auprès des jeunes à l’école secondaire Joseph-François-Perreault. Ayant remporté le Prix « Relève Accès culture » à l’automne 2008, FORESTARE fera une tournée de spectacles au sein des salles du Réseau Accès culture en 2009 (3). La rentrée montréalaise débutera au Théâtre Outremont le 11 février. Grâce à RIDEAU, l’ensemble « poétiquement vert » comme dit le chef d’orchestre, effectue une tournée partout au Québec qui a débuté en novembre 2008 en Abitibi. FORESTARE sera en résidence au Palais Montcalm en juin 2009. Des projets sont en cours, dont la sortie de leur deuxième album en septembre et des collaborations qui sont gardées secrètes pour l’instant.


        Comme vous le conseille Alain Brunet: « Allez vous perdre dans cette forêt de guitares boréales, classiques de surcroît (…) l’effet de masse créé par cette treizaine de guitares (…) est tout simplement saisissant. Il en émane une intensité rock. » (La Presse, le samedi 10 mars 2007)

(1) Ce spectacle est présenté en collaboration avec les Jeunesse Musicales du Canada et bénéficie du soutien de l’Entente sur le développement culturel de Montréal – MCCCF/Ville

(2) Forestare, ATMA Classique ACD22550

(3) Horaire disponible sur les sites : www.ville.montreal.qc.ca/accesculture et  http://www.forestare.com/


QUAND VIENT LE TEMPS DE PASSER LE FLAMBEAU 
Entrevue avec Denise Lupien

La Scena Musicale, février 2009


      La nouvelle a pris tout le milieu par surprise au concert du 12 mai dernier : Denise Lupien quittait le poste de violon-solo qu’elle avait occupé à l’Orchestre Métropolitain depuis ses débuts il y a 27 ans. La fondatrice du Quatuor Morency, qui a cumulé de nombreuses fonctions depuis plusieurs années, a maintenant décidé de se consacrer à l’enseignement et désire varier l’éventail de ses activités culturelles. Que cache cette carrière de violon-solo, fonction flamboyante devant le public, mais très exigeante en coulisses ? Qui est donc cette musicienne passionnée qui pianotait du matin au soir dès l’âge de 3 ans et qui reprochait à sa mère de l’envoyer jouer dehors avec ses amis ?

        Denise Lupien est née à Louiseville en 1949 dans une famille de huit enfants qui ont tous étudié la musique. Son frère Pierre et sa sœur Francine ont fait partie comme elle de la grande aventure de l’Orchestre Métropolitain. Son frère Normand est le nouveau curé à l’église Saint-Nom-de-Jésus qui a reçu l’orchestre plusieurs fois. Sa mère jouait du piano avec ardeur et c’est vraiment ce qui a donné à Denise la passion de la musique. C’est pour l’imiter qu’elle a commencé dès l’âge de 2 ans à tenter de jouer au piano les chansons qu’elle entendait à la radio.

         

Les années de formation et les découvertes

        À 3 ans, elle entreprend des cours de piano chez les religieuses de l’Assomption. À 8 ans, pour la seule raison que la religieuse donne des bonbons, elle commence des cours de violon, un instrument qu’elle trouve difficile et inconfortable. Pour l’instant, son instrument favori demeure le piano.


        En 1959, à l’âge de 10 ans, Denise auditionne devant Wilfrid Pelletier pour participer aux Matinées Symphoniques données au Plateau. Elle y fera son premier concert solo à la fin de la même année. Acceptée au Conservatoire l’année suivante, Denise poursuit ses cours de piano avec Germaine Malépart et suit des cours complémentaires en violon avec Calvin Sieb, alors violon-solo de l’OSM. La disparition de Mme Malépart trois ans plus tard déconcerte Denise. La direction du Conservatoire lui conseille alors de se concentrer sur le violon qui lui permet de faire partie de l’orchestre. Une révélation pour la jeune musicienne : elle découvre les différentes voix des instruments, les couleurs et le répertoire. C’est ainsi que Denise Lupien a trouvé sa voie. Le piano est devenu à ce moment-là son instrument complémentaire.


        En 1966 encouragées par Calvin Sieb qui les a aidées à obtenir des bourses, Denise et sa sœur Francine partent aux États-Unis. À l’école d’été Meadowmount, Denise rencontre Ivan Galamian, le plus influent professeur de violon du 20e siècle. C’est là qu’elle croise plusieurs musiciens maintenant célèbres : Perlman, Zukerman, Young Uck Kim, Kyung Wah Chung. Ils ont 18 ans, elle en a 17. Elle se découvre des affinités avec les Coréens et les Japonais. En 1970, elle étudie à la Juilliard School of Music de New York avec Ivan Galamian et Dorothy Delay. Une mésentente entre ses deux professeurs la force à faire un choix difficile : ce sera Delay. « C’était une grande pédagogue avec un esprit d’analyse incroyable qui trouvait toujours des trucs pour nous aider. Cette femme extraordinaire avait un don pour trouver le ton pour chacun. » C’est avec elle que Denise Lupien a obtenu en 1974 sa maîtrise du célèbre Juilliard. Elle avait, la même année, gagné le premier prix au Concours Radio-Canada et le deuxième prix au Concours de l’Orchestre Symphonique de Montréal, ce qui lui a permis de jouer comme soliste sous la direction de Franz-Paul Decker.


        Le « practical training » qui a suivi lui permettait de jouer aux États-Unis pour une période de trois semestres. Elle étudie avec le violoniste Ruggiero Ricci. Après une audition devant le violon-solo de l’Orchestre du Metropolitan Opera, elle obtient une place de surnuméraire. Malheureusement, après la guerre du Vietnam en 1975, les règles changent et Denise reçoit un ultimatum : elle a 10 jours pour quitter les États-Unis. Sinon, elle doit commencer un doctorat, trouver un emploi à plein temps ou… se marier. Elle préfère  rentrer au pays.


De la musique du matin au soir et des choix à faire

        À son retour au Québec en mars 1975, Denise Lupien est engagée comme enseignante au Conservatoire de Hull. En août, elle auditionne à l’OSM et fera partie de la section des premiers violons de 1976 à 1980. Elle maintient quand même son enseignement à Hull pour les deux premières années et devient en plus pigiste pour plusieurs ensembles, dont la SMCQ et les Grands Ballets Canadiens. Elle fait aussi partie du groupe Musica Camerata, un ensemble de musique de chambre avec lequel elle travaille des quatuors. C’est surtout cette influence qui a provoqué sa décision de changer son orientation et de rassembler, alors qu’elle est encore à l’OSM, des musiciens pour former un quatuor, formation rare à Montréal en 1979. C’est ainsi qu’est né le Quatuor Morency (nommé d’après la Galerie d’art Morency) qui durera 17 ans. En 1980, Denise quitte l’OSM afin de poursuivre sa carrière en quatuor, tout en continuant d’enseigner à Montréal. Les revenus sont faibles. Elle doit chercher d’autres avenues.


        Au début des années 1980, un noyau de musiciens se rencontrait et lisait des œuvres de compositeurs d’ici. Quelques tentatives avaient été faites pour monter un nouvel orchestre adapté aux besoins des musiciens montréalais. À l’été 1980, l’OSM ne pouvant jouer au Festival Lachine, on demande à Robert Savoie, chanteur d’opéra et administrateur des arts, de former un orchestre de pigistes, ce qu’il réussit avec l’aide des musiciens Hun Bang et Rodolphe Masella. Dirigés par Otto Werner-Müller, les musiciens adorent l’expérience et décident de continuer en espérant organiser un orchestre permanent. En 1981, le nouvel orchestre, sous la baguette de Marc Bélanger, suivi quelques années après d’Agnes Grossmann, est officiellement reconnu comme l’Orchestre Métropolitain. Denise Lupien en est le violon-solo.


Les joies et le travail exigeant du violon-solo

        Découvrir la vision que le chef possède des œuvres est ce que Denise Lupien considère le plus intéressant du travail d’un violon-solo. Mais la fonction comporte aussi un travail personnel exigeant avant de rencontrer le chef d’orchestre. Il faut préparer les coups d’archets, prévoir un phrasé et s’adapter rapidement à la conception musicale du chef. Dans le cas d’un orchestre à ses débuts, il faut monter une bibliothèque de partitions, ce qui est un travail colossal.


        Denise Lupien a souvent été invitée à interpréter de nombreuses œuvres comme soliste. Les chefs qui l’ont le plus inspirée ? D’abord Decker à l’OSM, pour sa conception particulière de Strauss et Mahler, sa grandeur d’âme et sa générosité d’expression. Elle a beaucoup appris de Grossmann : le soin du phrasé et des articulations, la finesse, la dentelle. Rescigno, qui dirige avec beaucoup d’instinct, lui a fait découvrir une autre conception sonore, ce qui exige  beaucoup de souplesse et de flexibilité. Quant à Yannick Nézet-Séguin, c’est le chef qui l’a le plus marquée. Déjà un chef impressionnant à 25 ans, il associe toutes ces qualités. En plus, il a un contact privilégié avec les musiciens. « C’est ce niveau d’échange musical qui me manque le plus depuis que j’ai quitté » constate Denise. « Il excelle en tout et c’est un grand bonheur de jouer avec lui. » En septembre dernier, au concert Deux voix pour Berlioz de l’OM, Denise Lupien, le cœur serré, se retrouvait dans l’assistance pour la première fois, une expérience qu’elle a adorée. Elle est allée deux fois entendre le même concert, surtout pour la Valse de Ravel.


        Son répertoire favori ? Les symphonies de Mahler et de Tchaikovski. « Les premières fois que j’ai joué Mahler, c’était à l’OSM et j’arrivais chez moi complètement bouleversée. » La musique contemporaine la fascine. Elle aime jouer Beethoven et Mozart, autant à l’orchestre qu’en quatuor. Maintenant qu’elle a du temps pour pratiquer, c’est de Bach dont elle a besoin.


Le temps de passer la main

        « Ça devenait trop ! » répond Denise quand je lui demande la raison pour laquelle elle a quitté l’orchestre. « Les deux dernières fins d’années ont été très difficiles : les élèves à McGill, les examens, l’Opéra, les Tournées dans l’Île, en plus de la performance comme violon-solo. L’énergie n’est plus la même qu’à 25 ans et ça prend plus de temps pour récupérer. J’avais besoin de changer et je ne voulais plus travailler autant. »


        L’été dernier était son premier été « off » depuis l’âge de 13 ans. Avant, elle lisait tout ce qui concernait son travail de musicienne. Maintenant, elle s’est mise à lire intensément : des biographies (La vie de Liszt est un roman), de l’histoire (Les Clés de l’histoire contemporaine), mais aussi des polars. Elle a lu les trois volumes de Millénium en deux semaines !


        Denise Lupien écoute peu de musique, sauf l’opéra qui la bouleverse. « C’est une vraie passion » dit-elle. En vacances, elle aime se laisser bercer par les chansons de Leclerc et de Brel.


Le travail avec les jeunes

        Denise Lupien a toujours travaillé avec les jeunes. En 1989, au moment où Mauricio Fuks est parti en sabbatique, McGill lui a offert de s’occuper d’une partie de ses élèves. Elle y est demeurée et y enseigne toujours. En 1992, elle a été invitée à Barcelone comme répétitrice pour préparer l’Orchestre Mondial des JMC. Le Canada, la Suisse et Taiwan ont suivi.


        Sa recommandation aux jeunes : « Écouter de la musique et plus que la musique de leur propre instrument : du chant, des quatuors, différents orchestres. Travailler fort. C’est un métier exigeant, mais passionnant. On donne beaucoup à ce métier-là, mais ça nous rapporte tellement ! »






Denise Lupien ira enseigner l’été prochain Festival de Casalmaggiore, près de Crémone au nord de l’Italie. http://www.casalmaggiorefestival.com/


Christian Beinhoff
DE VIENNE À MONTRÉAL
Pour l’amour de la musique

La Scena Musicale, octobre 2008


   Grâce à la réputation croissante dont le Concours Musical International de Montréal (CMIM) bénéficie sur le plan international, certains mélomanes font de longs voyages uniquement pour y assister. À la fois homme d’affaire et pianiste amateur, Christian Beinhoff a déjà suivi les concours de Bolzano, Bonn, Bruxelles, Leeds, Moscou, Vienne et Montréal. Venu de Vienne pour la compétition de piano en mai dernier, il partage avec nous son expérience.

LSM : Vous êtes venu de Vienne pour suivre toutes les étapes de la compétition de piano au CMIM. Qu’est-ce qui a motivé votre choix pour ce concours?

CB : J’ai toujours aimé assister à des festivals et des concours de musique. Suivre la carrière de jeunes artistes me procure une grande joie. Si j’ai choisi Montréal cette année, c’est non seulement à cause de l’importance de ce concours, mais aussi parce que j’avais envie de revoir cette ville dans laquelle j’ai travaillé comme ingénieur à la fin des années 1970, en tant que cadre d’une entreprise canado-allemande. De plus, mes enfants y sont allés à l’école et y ont reçu une formation musicale.


LSM : Quels changements avez-vous notés à votre retour à Montréal?

CB : Montréal est devenue avec les années encore plus attrayante et plus belle. Je me sens ici dans une ville aux traditions européennes. Comme mélomane, je me suis particulièrement réjoui de constater que Montréal soit demeurée la Mecque de la musique en Amérique du Nord. Dans les trente dernières années, de très belles salles de concert se sont ajoutées. Pour une compétition de piano, le traitement acoustique de la salle Pierre-Mercure est tout à fait approprié. Tout près de là, dans un cadre beaucoup plus petit, un nouveau centre musical s’est développé à la Chapelle historique du Bon-Pasteur. Cette ancienne chapelle de couvent a été transformée en salle de concert avec un grand souci du détail. Elle possède en plus cet instrument de rêve : un superbe fazioli. J’ai aussi constaté avec plaisir que les critiques musicaux sont encore lus avec grand intérêt. Depuis des décennies, des critiques mordantes comme celles de Claude Gingras suscitent des réactions allant de l’approbation au rejet véhément. Je trouve ça magnifique ! De telles réactions émotionnelles  aux critiques ne se voient plus à Vienne depuis le 19e siècle.  


LSM : Comment voyez-vous l’importance du Concours Musical International de Montréal dans la discipline du piano?

CB : Il existe environ une centaine de concours de piano, mais seulement quelques-uns sont vraiment importants. Les exigences à Montréal sont très grandes. Le répertoire s’étend de la période de Bach à celle des compositeurs d’aujourd’hui. Il présente des œuvres exigeantes au plan technique de la littérature pour piano. Quel pianiste proposerait dans un concours, sans y être contraint, une Étude de Debussy? Dans le cadre du CMIM, le public peut entendre plusieurs des œuvres majeures du répertoire peu jouées dans les concerts à cause de leurs difficultés techniques. La liste des œuvres admissibles offre aussi aux candidats une grande liberté pour le choix des programmes évitant ainsi de lasser le public par la répétition de pièces de bravoure. Par ses choix, chaque candidat a donc la possibilité de se présenter au piano à la fois comme virtuose et comme poète. Quant au jury de Montréal, contrairement à plusieurs concours où les membres du jury sont peu connus, il comptait plusieurs pianistes réputés ayant remporté des concours ou fait une carrière internationale. Le haut niveau des concurrents ainsi que la composition du jury étaient la garantie d’une compétition captivante.


LSM : Quels talents particuliers avez-vous découverts parmi les concurrents?

CB : J’ai entendu tous les concurrents. Dès le début, j’ai été enthousiasmé par Nareh Arghamanyan1 (1er prix) et Masataka Takada (2e prix ex aequo). Je suis convaincu qu’ils sont tous les deux à la veille d’une grande carrière. Nul doute que les prix gagnés à Montréal et la publicité qui s’y rattache les aideront dans ce sens. L’une de mes favorites, Sara Daneshpour, n’était malheureusement pas parmi les lauréats. Son intelligence et son goût exquis, sa technique et son interprétation irréprochables resteront longtemps gravés dans ma mémoire. Le choix du jury a montré que les succès ne sont possibles que lorsque les participants démontrent une personnalité artistique hors du commun doublée d’une grande maîtrise technique. C’est ce que possédaient les six finalistes.


LSM : Quelle impression avez-vous eue de la pièce imposée « Fastforward » composée par Alexina Louie?

CB : J’ai eu la chance de voir la partition de cette pièce pleine d’esprit et d’ambiance durant une pratique de Masataka Takada. On se rend compte que la compositrice connaît très bien le piano. Elle montre vraiment la virtuosité du pianiste classique, mais en même temps celle du pianiste de jazz, comme nous l’avons senti en écoutant l’interprétation de l’Américain Carlos Avila.


LSM : Comment avez-vous trouvé le public de la compétition ?

CB : L’enthousiasme du public à Montréal est unique. Bravos et ovations étaient à l’ordre du jour durant la compétition. Dès la première épreuve, j’ai été étonné de voir des centaines d’amateurs de musique faire la queue dans le but d’obtenir une place de leur choix.


Dans les coulisses du Concours Musical International de Montréal

        Comme le souligne le coordonnateur artistique Simon Blanchet, l’automne est une période importante pour le recrutement des candidats de la prochaine compétition qui aura lieu du 18 au 28 mai 2009 et sera consacrée au chant. C’est aussi la période consacrée à la recherche d’engagements professionnels pour les lauréats. Le Concours s’occupe de la promotion de ses lauréats auprès des directeurs d’institutions musicales. Pour Simon Blanchet, il est important de fidéliser les engagements et en trouver de nouveaux. Ce pianiste et musicologue, dont le mémoire de maîtrise portait sur la continuité de la vie musicale en Allemagne après la Deuxième Guerre mondiale, ne ménage pas ses efforts pour la continuité de la vie musicale montréalaise. Il a aidé Susie Napper à mettre sur pied le Festival Montréal Baroque, tout en travaillant parallèlement dans plusieurs organismes, dont la Chapelle historique du Bon-Pasteur. Nul ne doute qu’il soit « l’homme de la situation » et qu’il continuera à participer au succès du Concours Musical International de Montréal.


1 Voir article Joseph So, Nareh Arghamanyan : Virtuosity and heart, LSM juillet-août 2008, p. 16


JANINE LACHANCE
Une vie au service de la musique
La Scena Musicale, septembre 2008

        Après avoir remporté plusieurs prix comme pianiste soliste, Janine Lachance continue d’accumuler les distinctions. Décorée de l’Ordre du Canada en 2004, nommée membre honoraire du Prix d’Europe en 2007, elle a été intronisée au Panthéon canadien de l’art lyrique lors du 12e gala de l’Opéra de Montréal en décembre dernier. (1)

        Reconnue comme pianiste-répétitrice et accompagnatrice, elle a collaboré avec des artistes lyriques et des chefs d’orchestre de réputation internationale. Sa vaste connaissance du répertoire lyrique l’a conduite à devenir une pianiste coach recherchée. Celle qui a été la partenaire des Pierrette Alarie, Léopold Simoneau et Raoul Jobin a aussi été le professeur et le guide indispensable des Odette Beaupré, Sonia Racine et Charles Prévost, trois premiers prix aux Conservatoire de Musique de Québec et de Montréal. La Scena Musicale a voulu vous faire connaître cette artiste exceptionnelle.

LSM : Qu’a représenté pour vous le fait d’être récipiendaire en 2004 de l’Ordre du Canada, qui souligne les réalisations exceptionnelles dans divers domaines ?
JL : Une surprise et une belle récompense. Je soupçonne la musicologue Renée Maheu d’être en partie responsable de cet honneur. J’ai eu le plaisir de recevoir, par l’intermédiaire de l’ex violon solo de l’OSM Eugene Husaruk, un courriel de félicitations de Zubin Mehta et un autre de Charles Dutoit.

LSM : Depuis 2007, vous êtes membre honoraire du Prix d’Europe que vous avez remporté en 1952. C’est ce prix qui  vous a permis d’aller vous perfectionner à l’extérieur ?
JL : Effectivement. Je suis allée à Paris où j’ai étudié le piano avec Yvonne et Monique de la Bruchollerie et le chant avec le baryton Charles Panzera. J’ai travaillé ensuite à Milan avec Mario Basiola. C’est durant cette période que j’ai vraiment pris le goût du chant. Mais le plus important a été ma formation de base avec Hélène Landry-Labelle. Elle m’a donné une technique pianistique à vie, ce qui m’a permis de gagner le Prix du Conservatoire en 1950.

LSM : À votre retour d’Europe en 1955, comment s’est développée votre carrière à Québec ?
JL : J’ai eu la chance d’être invitée par Wilfrid Pelletier comme pianiste soliste avec l’Orchestre symphonique de Québec. Grâce à M. Pelletier qui était directeur du Conservatoire à ce moment-là, j’ai pu accompagner toutes les classes d’orchestre, de la contrebasse au piccolo. Dans la classe de Calvin Sieb, j’ai rencontré le violoniste Raymond Dessaints qui m’a donné le plus beau des cadeaux : ma fille Christine. J’ai eu aussi le plaisir de jouer dans le premier concert de trio présenté par les Jeunesses Musicales du Canada. On y jouait, en présence du compositeur, le premier trio de musique de chambre écrit pour nous par Clermont Pépin. Gilles Lefebvre nous a ensuite donné l’occasion de faire une série de concerts de trios avec les JMC.

LSM : Que retenez-vous de vos 32 années comme professeur au Conservatoire de Musique de Montréal ? 
JL : Être la répétitrice de la classe d’opéra français de Raoul Jobin m’a donné la chance de travailler avec les principaux chanteurs de l’époque : Colette Boky, Claude Corbeil, Bruno Laplante, Paul Trépanier, etc. J’ai été ensuite pianiste attitrée des classes de chant de Léopold Simoneau et Pierrette Alarie. J’ai étudié le répertoire italien avec Dick Marzollo qui était l’assistant de Toscanini et j’ai travaillé le répertoire allemand avec Otto Werner Müller. Pour voir comment se déroulaient les cours ailleurs, j’allais à New-York avec Marie Daveluy prendre des cours de chant avec les professeurs les plus en vogue. Je m’offrais pour accompagner l’élève précédent et celui d’après et j’enregistrais tout : c’était comme avoir quatre leçons !

LSM : Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste le travail de pianiste coach ?
JL : Il n’y a pas vraiment d’équivalent en français au travail que nous faisons avec les chanteurs. On le décrit en anglais comme musical and vocal coach pianist. Un bon coach a besoin « d’oreilles bioniques ». C’est un guide en culture musicale et en interprétation. Il doit savoir diriger la musique et être capable de jouer en même temps qu’il donne la réplique, tout en étant attentif à l’interprétation des chanteurs.

LSM : Durant ce travail avec les chanteurs, y a-t-il des moments qui vous ont marqués ?
JL : D’avoir travaillé avec les chefs d’orchestre Zubin Mehta, Jean Deslauriers et Jean-Marie Beaudet m’a apporté énormément. À la demande de M. Mehta, j’ai adoré travailler le rôle de Violetta avec Teresa Stratas. Aussi, lors de la première venue à Québec de Cecilia Bartoli, j’assistais le chef Simon Stratfield en jouant la réduction d’orchestre d’un air de Rossini, À la fin de la répétition, Cecilia m’a demandé de travailler encore une heure seule avec elle, ce qui fut pour moi un grand plaisir.

LSM : Que conseillez-vous aux chanteurs pour réussir dans cette carrière et quelles qualités doivent-ils posséder ?
JL : D’abord une belle voix dont ils doivent prendre grand soin. Ensuite une interprétation juste, selon le personnage qu’ils jouent. La technique doit être le plus proche possible de la nature, afin que la voix soit expressive et sans affectation. Ils doivent porter une grande attention au texte et connaître avec précision la partition musicale. Mais les chanteurs n’ont pas tous les mêmes qualités. Par exemple, si je compare les trois ténors, je reconnais la technique impeccable de Pavarotti, la grande musicalité de Domingo, mais c’est la sensibilité de Carreras qui me touche le plus.

Avec l’expérience acquise en collaboration avec des artistes lyriques et des chefs d’orchestre de réputation internationale, Janine Lachance continue d’inspirer et d’encourager de jeunes talents. La journaliste Renaude Lapointe, critique musicale pour Le Soleil de Québec écrivait après un concert de Janine Lachance en 1950 : « La musique trouve en elle une prêtresse ardente qui nous communique son feu ». C’est cette ardeur que Janine Lachance exprime depuis plus de 40 ans à ses élèves et à son public. 

(1): Texte de présentation par Michel Beaulac, La Scena Musicale, février 2008, p. 28, Janine Lachance intronisée au Panthéon canadien de l’art lyrique.

LES SAINTS-ANGES EN MUSIQUE 
Des concerts d’orgue et bien plus encore

La Scena Musicale, mai 2008

        Yves Garand, organiste titulaire de l’église Saints-Anges à Lachine, commence en 2002 une série de concerts, afin de ramasser des fonds pour la restauration de l’orgue. Construit en 1920 par la célèbre maison Casavant Frères, cet instrument est considéré comme un joyau de l’époque. Emballé par le projet, Noël Spinelli s’occupe activement de la campagne de financement. Mécène et mélomane reconnu, M. Spinelli devient ensuite président du comité de restauration dont les travaux se termineront en 2006.

        En 2005, Les Concerts Lachine, qui présentent depuis plus de 32 ans une série de concerts d’été, s’associent à la Fabrique des Saints-Anges, afin de présenter des activités dont l’orgue serait le point central.  Yves Garand devient le directeur artistique d’une série de concerts gratuits qui sont présentés les derniers dimanches du mois à 15 heures à l’église Saints-Anges.

        De style néo-roman, l’église Saints-Anges s’inspire des basiliques romaines et des abbayes françaises. La majeure partie de sa décoration revient à Ozias Leduc. Ses vitraux exceptionnels ont été réalisés par le studio Daprato, G. E. Pellus, Guido Nincheri et le studio Poggi. L’orgue possède une batterie de Trompettes en chamade incorporée à la tribune. L’ensemble sonore de ce grand instrument symphonique le place désormais parmi les plus importants au pays.

        Très actif sur la scène culturelle montréalaise en tant que musicien, professeur, agent et producteur, Yves Garand s’intéresse depuis toujours à diverses formes d’expression culturelle. Désireux de démythifier cet instrument et son répertoire souvent méconnu du grand public, il a développé cette série de concerts polyvalents qui, de saison en saison, gagnent en notoriété et en popularité. En plus, une vingtaine d’activités sont présentées chaque année, attirant plus de 6000 mélomanes par saison : récitals-midi en été, événements spéciaux et animation autour de l’orgue. Grâce au volet éducatif, des groupes d’écoliers ont pu observer le fonctionnement de l’orgue. Emballés par le résultat obtenu grâce à l’initiative et au dynamisme d’Yves Garand, les intervenants du milieu scolaire formulent le souhait que leurs élèves continuent de profiter de ces ateliers autour de l’orgue.

        La volonté initiale était d’implanter Les Saints-Anges en musique dans son milieu en offrant dans l’ouest de l’île de Montréal des concerts de qualité, accessibles à tous les publics. Pour en faire un événement de portée internationale et rassembleur, Yves Garand n’hésite pas à y convier des organistes de grande réputation, tels qu’Olivier Latry, Paul Jacobs, Ben Van Oosten et Thomas Heywood. Ainsi, Pierre Pincemaille, un des plus célèbres organistes sur la scène internationale et titulaire à la Basilique Saint-Denis à Paris, fait partie des concerts présentés cette saison. Avec ses nombreuses activités et grâce à ses liens privilégiés avec le milieu d’affaires et le milieu musical, la série Les Saint-Anges en musique  favorise ainsi l’émergence d’un mouvement dynamique dans le milieu culturel lachinois. Les Montréalais auraient tort de bouder leur plaisir en ne profitant pas de ce lieu exceptionnel où se côtoient avec un égal bonheur la musique et les arts visuels.