LA FEMME
AUX SEMELLES DE VENT
Road opéra inspiré d’une expédition
au Tibet
Passionnée de
voyages, Alexandra David-Néel effectua en 1924, une expédition à la fois
dangereuse et clandestine sur la terre du Tibet jusqu’à Lhassa, capitale
interdite. Plusieurs fois refoulée, la « femme aux semelles de vent »
s’était finalement déguisée en mendiante pour y entrer, en compagnie d’un jeune
moine qu’elle a adopté par la suite. Elle fut la première femme occidentale à
pénétrer dans la ville sainte. Ayant vécu plus de cent ans (1868-1969), elle
fut tour à tour cantatrice, journaliste, féministe, bouddhiste, écrivaine et
philosophe. C’est l’extraordinaire expédition de cette exploratrice déterminée
que Chants Libres a choisi de raconter dans Alexandra,
son 14e opéra, conçu et mis en scène par Pauline Vaillancourt, sur
une musique originale de Zack Settel, d’après un livret inédit de Yan Muckle.
Le choix d’un personnage
« Créer une œuvre, c’est lui
donner son souffle, offrir une voix à un personnage », a dit Pauline
Vaillancourt. Elle l’avait déjà fait en 1997 avec Frida Khalo (Yo soy la desintegracion). « J’ai
choisi cette fois-ci Alexandra David-Néel, un personnage étonnant. Elle a
depuis longtemps suscité ma curiosité en accomplissant, au début du 20e
siècle, des exploits qu’aucune femme n’avait réussis à cette époque. Seule
femme dans un monde d’homme, elle devait diriger des expéditions dans des
conditions extrêmement difficiles.
Celles qu’elle a entreprises au Tibet montrent bien sa détermination à réaliser
ses rêves. »
Féministe, Alexandra David-Néel menait une
vie libre. Chanteuse d’opéra, elle a fait des tournées dans le monde entier.
Les voyages demeuraient sa grande passion. Au bruit des bravos, elle préférait
l’écho des gongs tibétains. En 1911, elle quitte son mari pour s’envoler en
Extrême-Orient et en Asie centrale, d’où elle lui écrira de nombreuses lettres,
publiées après sa mort dans son Journal
de voyage. Elle ne retrouvera sa famille qu’en 1925. La plus grande partie
de sa vie a été consacrée à l’exploration et à l’étude des peuples d’Asie, de
leurs philosophies et de leurs langues. Elle
a pu ainsi traduire des manuscrits écrits en tibétain et en sanscrit. Elle a
publié de nombreux livres, dont le dernier en 1964, cinq ans avant sa mort.
Même si elle avait de la difficulté à se déplacer dans les dernières années,
Alexandra David-Néel a fait renouveler son passeport à l’âge de 100 ans. « La persévérance dans l’effort est
une qualité qui manque beaucoup à la nouvelle génération » remarque Pauline
Vaillancourt.
L’importance du lien entre les
créateurs
En 2010,
Pauline Vaillancourt a passé sept semaines au Tibet, en compagnie du
librettiste Yann Muckle. Au retour, elle a fait la conception du spectacle,
pendant que Muckle commençait le livret. Le compositeur Zack Settel s’est joint
à l’équipe peu après. À mesure que se développait le projet, la conception vidéographique
a été confiée à Jean Décarie, connu également sous le pseudonyme de Neam
Cathod. Véritable artiste multidisciplinaire, homme-orchestre de la vidéo, il
devait élaborer une conception à partir des images tournées par Vaillancourt et
Muckle. Pour situer l’action, il fallait imaginer un lieu qui suggère les
hauteurs de l’Himalaya. L’œuvre de l’artiste Jocelyne Alloucherie explore de
manière conceptuelle et poétique des notions relatives à l’image et au lieu. C’est
elle qui signe la scénographie des glaciers sur lesquels seront projetées les
images. Les personnages de la production se
déplacent continuellement, ce qui justifie qu’on la qualifie de « road
opéra ». C’est aussi un opéra de chambre, si on considère que huit
chanteurs et six musiciens sont sur scène. Pauline Vaillancourt s’est réservé
le rôle de l’exploratrice à 90 ans. Elle y raconte l’histoire de la fabuleuse
expédition.
À l’occasion des 20 ans de Chants Libres,
Pauline Vaillancourt reconnaissait qu’il est de plus en plus difficile de
convaincre les gens de prendre un risque pour assister à une nouvelle création
contemporaine. Elle voudrait leur dire : « Soyez déstabilisés, venez
voir! » Elle veut parler à l’imagination des gens, afin qu’ils reçoivent
une charge d’émotions différentes de celles qu’ils reçoivent tous les jours. La
collaboration entre tous les concepteurs est un élément essentiel pour que tout
s’imbrique, afin que l’œuvre touche le public. Une grande latitude est laissée aux
créateurs. Yann Muckle déclarait l’an dernier à LSM : « Pauline veut vraiment
explorer, entrer dans un nouveau territoire. Elle respecte les univers de
chacun et les unifie dans une même vision. »
Pour mieux connaître Alexandra David-Néel,
Pauline Vaillancourt recommande les lettres adressées à son mari, de 1918 à
1940 : Journal de voyage (en
deux volumes, Paris, Plon, 1976) et Voyage
d’une Parisienne à Lhassa (Paris, Plon, 1975). Les nombreux manuscrits rapportés par l’exploratrice sont conservés au musée Guimet à Paris et à
sa maison de Digne-Les-Bains en Provence, un centre culturel qui porte son nom.
http://www.alexandra-david-neel.org/
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