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dimanche 13 décembre 2009

QUAND VIENT LE TEMPS DE PASSER LE FLAMBEAU 
Entrevue avec Denise Lupien

La Scena Musicale, février 2009


      La nouvelle a pris tout le milieu par surprise au concert du 12 mai dernier : Denise Lupien quittait le poste de violon-solo qu’elle avait occupé à l’Orchestre Métropolitain depuis ses débuts il y a 27 ans. La fondatrice du Quatuor Morency, qui a cumulé de nombreuses fonctions depuis plusieurs années, a maintenant décidé de se consacrer à l’enseignement et désire varier l’éventail de ses activités culturelles. Que cache cette carrière de violon-solo, fonction flamboyante devant le public, mais très exigeante en coulisses ? Qui est donc cette musicienne passionnée qui pianotait du matin au soir dès l’âge de 3 ans et qui reprochait à sa mère de l’envoyer jouer dehors avec ses amis ?

        Denise Lupien est née à Louiseville en 1949 dans une famille de huit enfants qui ont tous étudié la musique. Son frère Pierre et sa sœur Francine ont fait partie comme elle de la grande aventure de l’Orchestre Métropolitain. Son frère Normand est le nouveau curé à l’église Saint-Nom-de-Jésus qui a reçu l’orchestre plusieurs fois. Sa mère jouait du piano avec ardeur et c’est vraiment ce qui a donné à Denise la passion de la musique. C’est pour l’imiter qu’elle a commencé dès l’âge de 2 ans à tenter de jouer au piano les chansons qu’elle entendait à la radio.

         

Les années de formation et les découvertes

        À 3 ans, elle entreprend des cours de piano chez les religieuses de l’Assomption. À 8 ans, pour la seule raison que la religieuse donne des bonbons, elle commence des cours de violon, un instrument qu’elle trouve difficile et inconfortable. Pour l’instant, son instrument favori demeure le piano.


        En 1959, à l’âge de 10 ans, Denise auditionne devant Wilfrid Pelletier pour participer aux Matinées Symphoniques données au Plateau. Elle y fera son premier concert solo à la fin de la même année. Acceptée au Conservatoire l’année suivante, Denise poursuit ses cours de piano avec Germaine Malépart et suit des cours complémentaires en violon avec Calvin Sieb, alors violon-solo de l’OSM. La disparition de Mme Malépart trois ans plus tard déconcerte Denise. La direction du Conservatoire lui conseille alors de se concentrer sur le violon qui lui permet de faire partie de l’orchestre. Une révélation pour la jeune musicienne : elle découvre les différentes voix des instruments, les couleurs et le répertoire. C’est ainsi que Denise Lupien a trouvé sa voie. Le piano est devenu à ce moment-là son instrument complémentaire.


        En 1966 encouragées par Calvin Sieb qui les a aidées à obtenir des bourses, Denise et sa sœur Francine partent aux États-Unis. À l’école d’été Meadowmount, Denise rencontre Ivan Galamian, le plus influent professeur de violon du 20e siècle. C’est là qu’elle croise plusieurs musiciens maintenant célèbres : Perlman, Zukerman, Young Uck Kim, Kyung Wah Chung. Ils ont 18 ans, elle en a 17. Elle se découvre des affinités avec les Coréens et les Japonais. En 1970, elle étudie à la Juilliard School of Music de New York avec Ivan Galamian et Dorothy Delay. Une mésentente entre ses deux professeurs la force à faire un choix difficile : ce sera Delay. « C’était une grande pédagogue avec un esprit d’analyse incroyable qui trouvait toujours des trucs pour nous aider. Cette femme extraordinaire avait un don pour trouver le ton pour chacun. » C’est avec elle que Denise Lupien a obtenu en 1974 sa maîtrise du célèbre Juilliard. Elle avait, la même année, gagné le premier prix au Concours Radio-Canada et le deuxième prix au Concours de l’Orchestre Symphonique de Montréal, ce qui lui a permis de jouer comme soliste sous la direction de Franz-Paul Decker.


        Le « practical training » qui a suivi lui permettait de jouer aux États-Unis pour une période de trois semestres. Elle étudie avec le violoniste Ruggiero Ricci. Après une audition devant le violon-solo de l’Orchestre du Metropolitan Opera, elle obtient une place de surnuméraire. Malheureusement, après la guerre du Vietnam en 1975, les règles changent et Denise reçoit un ultimatum : elle a 10 jours pour quitter les États-Unis. Sinon, elle doit commencer un doctorat, trouver un emploi à plein temps ou… se marier. Elle préfère  rentrer au pays.


De la musique du matin au soir et des choix à faire

        À son retour au Québec en mars 1975, Denise Lupien est engagée comme enseignante au Conservatoire de Hull. En août, elle auditionne à l’OSM et fera partie de la section des premiers violons de 1976 à 1980. Elle maintient quand même son enseignement à Hull pour les deux premières années et devient en plus pigiste pour plusieurs ensembles, dont la SMCQ et les Grands Ballets Canadiens. Elle fait aussi partie du groupe Musica Camerata, un ensemble de musique de chambre avec lequel elle travaille des quatuors. C’est surtout cette influence qui a provoqué sa décision de changer son orientation et de rassembler, alors qu’elle est encore à l’OSM, des musiciens pour former un quatuor, formation rare à Montréal en 1979. C’est ainsi qu’est né le Quatuor Morency (nommé d’après la Galerie d’art Morency) qui durera 17 ans. En 1980, Denise quitte l’OSM afin de poursuivre sa carrière en quatuor, tout en continuant d’enseigner à Montréal. Les revenus sont faibles. Elle doit chercher d’autres avenues.


        Au début des années 1980, un noyau de musiciens se rencontrait et lisait des œuvres de compositeurs d’ici. Quelques tentatives avaient été faites pour monter un nouvel orchestre adapté aux besoins des musiciens montréalais. À l’été 1980, l’OSM ne pouvant jouer au Festival Lachine, on demande à Robert Savoie, chanteur d’opéra et administrateur des arts, de former un orchestre de pigistes, ce qu’il réussit avec l’aide des musiciens Hun Bang et Rodolphe Masella. Dirigés par Otto Werner-Müller, les musiciens adorent l’expérience et décident de continuer en espérant organiser un orchestre permanent. En 1981, le nouvel orchestre, sous la baguette de Marc Bélanger, suivi quelques années après d’Agnes Grossmann, est officiellement reconnu comme l’Orchestre Métropolitain. Denise Lupien en est le violon-solo.


Les joies et le travail exigeant du violon-solo

        Découvrir la vision que le chef possède des œuvres est ce que Denise Lupien considère le plus intéressant du travail d’un violon-solo. Mais la fonction comporte aussi un travail personnel exigeant avant de rencontrer le chef d’orchestre. Il faut préparer les coups d’archets, prévoir un phrasé et s’adapter rapidement à la conception musicale du chef. Dans le cas d’un orchestre à ses débuts, il faut monter une bibliothèque de partitions, ce qui est un travail colossal.


        Denise Lupien a souvent été invitée à interpréter de nombreuses œuvres comme soliste. Les chefs qui l’ont le plus inspirée ? D’abord Decker à l’OSM, pour sa conception particulière de Strauss et Mahler, sa grandeur d’âme et sa générosité d’expression. Elle a beaucoup appris de Grossmann : le soin du phrasé et des articulations, la finesse, la dentelle. Rescigno, qui dirige avec beaucoup d’instinct, lui a fait découvrir une autre conception sonore, ce qui exige  beaucoup de souplesse et de flexibilité. Quant à Yannick Nézet-Séguin, c’est le chef qui l’a le plus marquée. Déjà un chef impressionnant à 25 ans, il associe toutes ces qualités. En plus, il a un contact privilégié avec les musiciens. « C’est ce niveau d’échange musical qui me manque le plus depuis que j’ai quitté » constate Denise. « Il excelle en tout et c’est un grand bonheur de jouer avec lui. » En septembre dernier, au concert Deux voix pour Berlioz de l’OM, Denise Lupien, le cœur serré, se retrouvait dans l’assistance pour la première fois, une expérience qu’elle a adorée. Elle est allée deux fois entendre le même concert, surtout pour la Valse de Ravel.


        Son répertoire favori ? Les symphonies de Mahler et de Tchaikovski. « Les premières fois que j’ai joué Mahler, c’était à l’OSM et j’arrivais chez moi complètement bouleversée. » La musique contemporaine la fascine. Elle aime jouer Beethoven et Mozart, autant à l’orchestre qu’en quatuor. Maintenant qu’elle a du temps pour pratiquer, c’est de Bach dont elle a besoin.


Le temps de passer la main

        « Ça devenait trop ! » répond Denise quand je lui demande la raison pour laquelle elle a quitté l’orchestre. « Les deux dernières fins d’années ont été très difficiles : les élèves à McGill, les examens, l’Opéra, les Tournées dans l’Île, en plus de la performance comme violon-solo. L’énergie n’est plus la même qu’à 25 ans et ça prend plus de temps pour récupérer. J’avais besoin de changer et je ne voulais plus travailler autant. »


        L’été dernier était son premier été « off » depuis l’âge de 13 ans. Avant, elle lisait tout ce qui concernait son travail de musicienne. Maintenant, elle s’est mise à lire intensément : des biographies (La vie de Liszt est un roman), de l’histoire (Les Clés de l’histoire contemporaine), mais aussi des polars. Elle a lu les trois volumes de Millénium en deux semaines !


        Denise Lupien écoute peu de musique, sauf l’opéra qui la bouleverse. « C’est une vraie passion » dit-elle. En vacances, elle aime se laisser bercer par les chansons de Leclerc et de Brel.


Le travail avec les jeunes

        Denise Lupien a toujours travaillé avec les jeunes. En 1989, au moment où Mauricio Fuks est parti en sabbatique, McGill lui a offert de s’occuper d’une partie de ses élèves. Elle y est demeurée et y enseigne toujours. En 1992, elle a été invitée à Barcelone comme répétitrice pour préparer l’Orchestre Mondial des JMC. Le Canada, la Suisse et Taiwan ont suivi.


        Sa recommandation aux jeunes : « Écouter de la musique et plus que la musique de leur propre instrument : du chant, des quatuors, différents orchestres. Travailler fort. C’est un métier exigeant, mais passionnant. On donne beaucoup à ce métier-là, mais ça nous rapporte tellement ! »






Denise Lupien ira enseigner l’été prochain Festival de Casalmaggiore, près de Crémone au nord de l’Italie. http://www.casalmaggiorefestival.com/


1 commentaire:

  1. Étrange qu'une musicienne se passionne pour un roman sur le journalisme comme Millénium...
    Intéressant toutefois!
    Bernard Bujold
    www.LeStudio1.com

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